Chapitre 1 - La prophéthie
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Chapitre I
La prophétie
Dans les profondeurs obscures d’un marécage oublié par les âges, où les arbres tordus et centenaires plongent leurs racines dans des eaux sombres et silencieuses, se dresse une chaumière de bois. Les murs de cette demeure antique sont couverts de lichen et de mousse, témoignant de décennies, voire de siècles, passés à résister aux assauts de la nature environnante.
Dans le marécage, face à la chaumière qui se dresse comme un sanctuaire au milieu de l’ombre verdoyante, des hommes et des femmes se tiennent à genoux, les têtes inclinées en signe de révérence profonde. Leur posture, empreinte de dévotion et de respect, forme un tableau silencieux dans la brume qui serpente autour d’eux.
C’est alors qu’un murmure commun s’élève à travers eux, un écho éthéré de leurs voix, qui s’élève lentement du sol comme un souffle lointain et mystérieux. Ce chant d’une profondeur ancienne semble se fondre avec la brise humide, se frayant un chemin à travers les voiles de brume et les mystères du marécage.
Les voix, tremblantes et émouvantes, s’élancent avec une harmonie quasi surnaturelle, flottant dans l’air comme des ondes subtiles et translucides. Elles se mêlent aux sons du marécage – le murmure des eaux stagnantes, le chant discret des grenouilles et le bruissement des feuilles – créant une symphonie mystique qui résonne dans l’espace sacré autour de la chaumière.
Leurs chants, empreints d’une révérence ancienne, semblent répercuter les échos d’un rituel oublié, une communion avec les forces mystiques qui habitent les lieux. Les vibrations de ces voix évanescentes flottent et dansent dans la brume, enveloppant la chaumière d’une aura sacrée, comme une bénédiction et une invocation silencieuse adressée aux puissances cachées qui gouvernent le marécage.
Le tableau est un mélange de sérénité et de mystère, une scène où le sacré et le surnaturel se rencontrent, où chaque murmure, chaque souffle lointain, contribue à un chant d’une beauté irréelle, résonnant à travers le temps et l’espace pour honorer et célébrer le lieu sacré de la chaumière.a chaumière, enveloppée de cette brume légère dansante autour de ses contours comme une présence spectrale, se dessine à peine à travers ce voile mystérieux. Un sentier étroit, bordé de lanternes vacillantes, mène à la porte en bois massif, sculptée de symboles anciens et de motifs mystiques. Le grincement de la porte révèle l’intérieur, une pièce unique où le mysticisme imprègne chaque recoin.
Au centre de cette chaumière, sur un sol en terre battue parsemé de peaux de bêtes et de tapisseries bigarrées, brûle un feu sacré. Les flammes crépitent et projettent des ombres dansantes sur les murs, illuminant par intermittence des étagères remplies de fioles aux contenus mystérieux, de crânes d’animaux et de plumes de toutes sortes.
Assise en tailleur près du feu, la lieuse de vie incarne l’essence même du marécage. Sa peau hâlée est marquée de tatouages complexes, retraçant les histoires de son peuple et les esprits qui la guident.
Chaque dessin conte un récit, chaque symbole un secret, et tous convergent vers son coeur, formant un mandala vivant.
Sa chevelure noire et sauvage est partiellement recouverte d’une majestueuse couronne de plumes, ornée de perles et de pierres précieuses qui brillent faiblement à la lueur du feu. Les plumes, provenant d’oiseaux sacrés, symbolisent sa connexion avec le ciel et les esprits des airs. Autour de son cou pend une amulette ancienne, un morceau de quartz enserré dans un filet d’argent finement tissé, qui capte et reflète les flammes, semblant contenir un fragment de la lumière du monde.
Ses poignets et chevilles sont ornés de bracelets de fer et de perles, qui tintent doucement à chacun de ses mouvements. Entre ses mains, elle tient un bâton de bois gravé de runes et de signes cabalistiques, surmonté d’un cristal lumineux qui pulse doucement, en résonance avec son souffle et le rythme du marécage.
Autour d’elle, des herbes et des racines sèchent en bottes, suspendues aux poutres du plafond, libérant des parfums terreux et envoûtants. Des tambours, des hochets et des flûtes sont disposés soigneusement, prêts à être utilisés dans des rituels pour appeler les esprits et les ancêtres.
En cette chaumière, au coeur du marécage, le temps semble s’arrêter. Les murmures de la nature se mêlent aux chants incantatoires des fidèles rassemblés autour de la chaumière, créant une symphonie ancienne qui résonne dans l’âme de quiconque pénètre dans ce sanctuaire. C’est un lieu où le monde visible et l’invisible se rejoignent, où les secrets du passé et les mystères de l’avenir se rencontrent sous l’oeil vigilant de la femme chaman et de ses esprits gardiens.
La lieuse de vie se penche vers une petite bourse de cuir accrochée à sa ceinture.
Avec une lenteur rituelle, elle en extrait une poignée de poudre fine et scintillante. Les yeux mi-clos, elle murmure des paroles anciennes, une incantation oubliée par le monde extérieur, puis jette la poudre dans les flammes.
Instantanément, le feu crépite avec une intensité renouvelée, projetant une lumière éclatante et multicolore qui illumine toute la pièce. Les murs de la chaumière semblent se mouvoir, les ombres dansantes prennent des formes presque humaines, et un parfum enivrant de fleurs et d’épices emplit l’air. Les symboles gravés sur les étagères et les objets servant aux rituels semblent briller de leur propre lumière, comme réveillés par l’incantation de la chamane.
Ses yeux, d’un marron rare et profond, vous transpercent l’âme tel un dard magique. Dans un moment de silence absolu, ses prunelles envoûtantes fixent les flammes dansantes qui s’apprêtent à dévoiler les secrets immémoriaux du monde de Rythe. Sa bouche demeure immobile, aucun son ne franchit ses lèvres. Cependant à travers ses yeux pénétrants, c’est comme si elle s’exprimait avec une clarté surnaturelle, chaque regard racontant une légende oubliée.
Une légère brise s’insinue dans la chaumière, perturbant le silence sacré. Les artefacts suspendus, façonnés de bois anciens et de fils enchantés, se mettent à osciller doucement. Ces objets mystérieux, témoins de rituels ancestraux, produisent un écho mélodieux qui résonne dans toute la pièce. Ce son, comparable à une musique céleste, emplit l’espace d’une harmonie enchanteresse, ajoutant une note mystique à l’atmosphère déjà envoûtante.
Les flammes du feu sacré semblent danser en réponse, leurs lueurs chatoyantes illuminant les tatouages complexes de la chamane, révélant les histoires et les secrets inscrits sur sa peau. Les ombres sur les murs prennent des formes mouvantes, comme animées par une vie propre, chuchotant des paroles oubliées par le temps. Le parfum des herbes séchées et des épices en suspension dans l’air intensifie l’aura mystique de la scène.
Chaque élément de la chaumière, des peaux de bêtes étendues sur le sol aux fioles mystérieuses alignées sur les étagères, semble participer à ce moment de communion avec l’invisible. La chaman, entourée de ses esprits gardiens, incarne la sagesse et la puissance des âges révolus, prête à révéler les mystères du monde de Rythe à quiconque à l’âme assez pure pour écouter.
« Mon nom n’a guère d’importance, Car je suis le Tout, et le Tout est Un.
À l’aube des temps, façonnée par les forces anciennes,
La terre nommée Mère surgit, sous le regard des astres bienveillants.
Mère et Mer, depuis des âges oubliés,
Ce vaste continent qu’on nomme la Rythe,
Recèle des secrets immémoriaux, mystères entrelacés,
Dans les terres luxuriantes, flore majestueuse, l’Éden en son écrin mythique.
Un mal ancien et complexe, comme une ombre rampante, Ravage ces terres bénies, oubliée son origine.
Les fiers elfes sylvains, assoiffés de sang et de mort,
Et les hommes, divisés, en querelles incessantes, leurs coeurs en lambeaux. La guerre entre ces deux races, ruine de notre monde,
Destruction, meurtre, pillage, mensonge. En de nombreux points, ils se ressemblent,
Mais tout les sépare dans leurs désirs déchirants. Les traits des humains, communs comme les rivières,
S’écoulent en courants de discordes et de quêtes de pouvoir incessantes. Toujours en désaccord, ils cherchent à dominer,
Leur esprit en conflit, jamais en repos.
Les elfes se distinguent par une mort singulière. Leur corps en racines se transforme,
Retour à la terre nourricière, dans un cycle éternel. Leur sagesse ancestrale, forte de milliers d’années, Pas suffisamment pour chercher la paix,
Persistant dans la guerre, comme une raison,
Après des millénaires de réflexion, en sombre oraison.
Les anciens, ornés de cornes symboliques,
Prétendent que l’homme est le défi des elfes,
D’autres les considèrent comme vermine à exterminer,
Cette lutte perpétuelle, ce fléau invisible, notre monde à menacer.
Les vastes forêts, les montagnes imposantes,
Rivières cristallines de Rythe, jadis sanctuaires de beauté,
Sont désormais des champs de bataille où la nature se lamente,
Les animaux fantastiques, témoins silencieux de la destruction désolée. Pourtant, au coeur de ce chaos,
Subsiste une lueur d’espoir,
Des âmes courageuses, sages et guerrières,
Cherchent à restaurer l’équilibre, protéger cet éden précieux. Rythe est Mère, Rythe est Mer, Rythe est Tout et le Tout est Un,
Que l’harmonie guide nos pas, que la sagesse éclaire notre chemin.
Peut-être un jour, les peuples de ce continent qu’est Rythe comprendront-ils, Que leur véritable ennemi n’est pas l’autre, mais la guerre elle-même.
Des voix murmureront ces paroles dans les vents, Les arbres chanteront les légendes anciennes,
Les eaux porteront les souvenirs des époques passées,
Les étoiles, gardiennes des secrets célestes, veilleront sur Rythe, Espérant voir renaître l’unité et la paix parmi ses habitants. »
Les échos de ces mots résonnent à travers le marécage, se propageant dans l’air brumeux comme des échos anciens. La végétation luxuriante, épaisse et verdoyante, se penche légèrement sous la caresse du vent, ses feuilles bruissant d’une mélodie douce et ancienne, tandis que des gouttes de rosée scintillent comme des perles d’émeraude sur les lianes pendantes, prêtes à plonger dans l’eau trouble du marécage. L’atmosphère est chargée d’une magie subtile, une aura d’énigme et de révérence enveloppant le marécage d’un voile sacré.
Les murmures se propagent, faisant frémir les eaux sur leur passage. Les ondulations se répandent en cercles concentriques, perturbant la surface tranquille du marécage avec une danse légère et hypnotique. Les petites créatures aquatiques, des grenouilles aux yeux dorés aux lucioles scintillantes, semblent réagir à l’appel mystique, leur éclat créant des constellations éphémères dans cette symphonie mystique. Les racines noueuses, plongeant profondément dans les eaux sombres, relient chaque élément du marécage en une essence vitale commune, comme si ce lieu était un organisme vivant.
Au coeur du marécage, cachée parmi ces joncs et ces fougères, se trouve une ancienne clairière où le sol est parsemé de pierres couvertes de runes anciennes. Cette clairière, sanctuaire oublié du temps, est baignée par une lumière douce et dorée émanant d’une ouverture au-dessus, où la brume se dissipe pour révéler un ciel voilé de mystères.
Les chants de la chamane, résonnants comme une incantation ancestrale, se mêlent aux cris des oiseaux de nuit et aux murmures des vents. Les échos de ces mots anciens, imprégnés de sagesse et de mélancolie, continuent de se propager, plongeant le marécage dans une atmosphère mystique et intemporelle. La magie de cet endroit, avec ses échos flottants et ses murmures secrets, semble se fondre dans le grand tissu de l’univers, connectant le passé et le présent dans un ballet éternel de lumière et d’ombre.
Elle rejeta une nouvelle poignée de poudre dans les flammes, et celles-ci s’enflammèrent d’une manière spectaculaire, crépitant de mille feux plus intensément qu’à la première incantation. Les étincelles jaillirent avec une vigueur surnaturelle, illuminant la pièce d’une lumière éclatante et dansante, désormais embrasé d’une énergie nouvelle.
« Mon rôle est à la fois unique et universel,
Car sans la mort, il n’est point de rétribution, sans vie, point de victoire.
L’équilibre de Mère, tissé de fils d’or et de douleur,
Sera un voyage ardu, où lumière et ombre se mêlent dans une danse de gloire.
En chaque souffle, une offrande sacrée est donnée,
Chaque acte, chaque choix, est un pas dans le grand mystère de l’univers. Pour la déesse du savoir, mon dessein est une tapisserie ancienne,
Tissée avec soin, où chaque fil se révèle lumineux, mystérieux.
De l’ombre la plus profonde surgit la lumière sacrée,
Tel un rayon d’étoile perçant le voile des ténèbres pour embrasser l’infini.
Des abysses du chaos naît l’éclat pur et resplendissant,
Révélant aux âmes égarées le chemin entre l’ordre et le désordre, l’union sacrée. Dans les replis les plus sombres de l’existence,
Une étincelle divine perce le voile d’obscurité,
Éclairant les mystères enfouis, dévoilant des vérités cachées,
Des secrets anciens que seule la lumière peut comprendre et révéler. L’équilibre de Mère se forge dans cette harmonie paradoxale,
Où l’ombre et la clarté, le chaos et l’ordre, se rejoignent en harmonie. À travers cette danse cosmique, l’harmonie sacrée s’épanouit,
Révélant l’essence de la vie et de la mort, dans un cycle éternel et divin. »
Une présence oppressante envahit soudainement la pièce, se déployant comme une entité mystérieuse surgie des ténèbres. Ce phénomène intangible mais terriblement puissant s’insinua dans l’espace, plongeant chaque recoin dans une pénombre angoissante. Le feu, qui flamboyait auparavant avec une vigueur mystique et éclatante, commença à s’affaiblir sous l’emprise de cette force invisible.
Les flammes, autrefois vives et dansantes, se mirent à vaciller, leurs lueurs se réduisant à des éclats tremblants et incertains. La chaleur qui irradiait de l’âtre s’effaça progressivement, laissant place à une froideur glaciale qui s’insinua dans la pièce, contrastant violemment avec la chaleur précédente.
À mesure que l’ombre s’étendait, le crépitement du feu se mua en un murmure étouffé, chaque crépitement semblant se noyer dans le silence grandissant. Les murs, auparavant baignés dans une lumière chaleureuse, se couvraient maintenant de motifs inquiétants projetés par les ombres mouvantes. Les objets autour du foyer, maintenant baignés dans une lumière tamisée et fantomatique, semblaient se déformer, se tordant sous l’effet de cette pénombre grandissante.
La pièce se plongea progressivement dans une obscurité palpable, chaque recoin devenu mystérieux et menaçant. L’atmosphère était chargée d’une tension presque tangible, comme si l’ombre elle-même respirait, intensifiant le mystère et la menace latente. Les yeux, habitués à la clarté du feu, peinaient à s’adapter à cette obscurité oppressante, intensifiant la sensation d’une présence étrangère et inconnu qui enveloppait l’espace, et transformant l’ambiance en un lieu d’incertitude et de peur.
Sur son épaule, l’invisible murmura d’une voix calme et sereine, une voix qui transcende les distinctions humaines. Ce n’était pas le discours d’un homme ni celui d’une femme, mais un écho lointain et intemporel qui résonnait dans la pièce. Ce murmure mystérieux, grave et profond, semblait émaner des profondeurs mêmes du mystère et de l’inconnu, empreint d’une sagesse ancienne et immortelle.
Alors que la pièce, maintenant plongée dans une fraîcheur glaciale, se remplissait de ce murmure spectral, chaque mot semblait se frayer un chemin à travers le silence, ondulant avec une tranquillité presque hypnotique. L’écho de cette voix semblait venir d’un autre monde, d’une réalité parallèle où le silence et la peur régnaient en maîtres.
L’atmosphère était chargée d’une présence éthérée, chaque vibration de la voix invisible ondulant dans l’espace, se mêlant aux ombres mouvantes et aux échos des souvenirs anciens. Cette voix, un echo semblable au souffle de vent, apportait avec elle une sensation de mal être et de profondeur, ajoutant à la froideur qui enveloppait la pièce. Les mots de l’invisible semblaient flotter dans l’air, se répercutant contre les surfaces comme des vagues d’un autre temps, laissant derrière eux une empreinte indélébile de ténèbres mystiques.
« Pas de paix… » fit l’echo.
La lieuse de vie, avec une intensité de conviction, leva les bras vers le ciel en un geste de défi silencieux. Puis, avec une détermination palpable, elle reprit la poudre de sa paume, la tenant comme un précieux réceptacle de pouvoir mystique, avant de la jeter avec force dans les flammes.
À l’instant même où la poudre toucha le feu, celui-ci s’embrasa d’une explosion flamboyante, éclatant en une danse de lumières et de couleurs vives. À l’extérieur de la chaumière, le chant des fidèles se fit plus puissant, comme si une bataille sacrée venait d’éclater entre les échos des voix. Leurs chants, autrefois harmonieux, se mêlèrent maintenant dans une discordance vibrante, résonnant avec une intensité accrue, comme si les forces mystiques en présence s’affrontaient dans un duel de sons et de lumière.
Les échos des voix se mirent à s’entrelacer et à se heurter dans l’air, créant une symphonie tumultueuse où chaque vibration semblait faire écho à un conflit caché. La clameur extérieure montait en intensité, enveloppant le marécage d’une aura épique et énigmatique.
« Rythe est Mère, Rythe est Mer, Rythe est Tout et le Tout est Un, Mon nom n’a guère d’importance,
Car je suis le Tout, et le Tout est Un.
À l’aube des temps, façonnée par les forces anciennes,
La terre nommée Mère surgit, sous le regard des astres bienveillants. Que la paix soit notre dessein sacré,
Et que Mère, dans sa sagesse infinie,
L’accorde avec grâce et vérité,
Dans le grand tissu du destin et de l’harmonie.
Que chaque souffle et chaque épreuve, Soient des offrandes dans l’éternelle quête, Pour que Mère, dans sa lumière douce, Accorde la rétribution que le coeur projette. Ainsi, que l’équilibre et la justice,
Se tissent dans le grand dessein céleste, Sous l’oeil bienveillant de Mère,
Nous aspirons à recevoir sa bénédiction manifeste. »
Un hurlement strident, tel un cri perçant venu des profondeurs de l’éther invisible, déchira soudain les chants des fidèles, interrompant brutalement leur harmonie sacrée. Ce cri, à la fois sauvage et surnaturel, sembla s’élever des ténèbres mêmes, résonnant avec une intensité qui fit vibrer l’air tout autour.
La chaumière, illuminée par les flammes dansantes et les éclats de lumière sacrée, fut soudainement plongée dans une obscurité absolue. Le hurlement, comme une onde de choc invisible, engendra une éclipse mystique qui dévora chaque rayon, chaque lueur, d’un voile de ténèbres oppressantes.
Les ombres se mirent à se tordre et à se resserrer, se confondant dans un ballet chaotique qui envahit l’espace. Les murs, jadis baignés dans une lumière dorée et vivante, se couvrirent maintenant d’un noir d’encre, les détails de la pièce se perdant dans la profondeur insondable de l’obscurité. La chaleur du foyer, vivace et réconfortante, se dissipa lentement, laissant place à un froid transperçant qui glaçait les âmes.
Le hurlement, continuant de résonner dans l’obscurité grandissante, semblait insuffler un sentiment d’effroi et de désespoir. Le silence qui en suivit lui, fut lourd et chargé d’une tension palpable.
Dans cette obscurité surnaturelle, la chaumière semblait être devenue le coeur d’un espace mystique et interdit, un lieu où les échos de l’invisible avaient pris le contrôle, étouffant la lumière et le chant des fidèles. Le hurlement, à la fois déchirant et mystérieux, laissait derrière lui une marque de terreur et de mystère, enveloppant l’endroit d’une aura d’inconnu et de menace.
« Un seul mot peut bouleverser les royaumes, un autre peut en anéantir les fondations ; telle est la loi gravée dans les cieux par les dieux éternels. Car Mère, dans sa sagesse infinie, accorde à chacun ce qu’il mérite, offrant à ceux qui cherchent la lumière la rédemption, et à ceux qui embrassent les ténèbres le poids de leurs actes. Pourtant, Mère a décrété la fin des Rythiens, et leur destin est scellé. Vos rites et prières n’ont plus d’effet ; tel est le sort que Mère elle- même a tracé pour vous. »
Dans ce calme nouvellement instauré, régnant comme un maître silencieux, un calme profond et oppressant s’étendait sur la chaumière et ses environs, enveloppant tout dans une étreinte de semblante tranquillité presque surnaturelle. Semblant figés dans le temps, chaque élément du marécage était suspendu dans une attente pesante, comme si le monde entier retenait son souffle.
Soudain, ce silence immuable fut rompu par la voix puissante et résolue de la lieuse de vie, émergeant des profondeurs de l’obscurité avec une intensité qui semblait défiée la nature même du calme. Sa voix, d’une clarté inébranlable, déchira le silence tel un éclat de lumière perçant une nuit noire. Chaque mot résonnait comme un coup de tonnerre dans l’immensité du silence troublé, brisant le calme imposé avec une force presque tangible.
« Qui êtes-vous pour oser revendiquer le pouvoir de parler au nom de Mère ? »
Une ombre profonde et mouvante, aussi dense qu’une nuit sans fin, traversa la chamane, l’enveloppant dans une étreinte mystérieuse et glaciale. Cette ombre, en perpétuel mouvement, semblait se faufiler à travers le tissu même de la réalité, se déversant comme une rivière d’obscurité liquide. Elle se tordait et s’étendait, épousant chaque contour, chaque courbe, de la chamane avec une précision sinistre et enveloppante.
L’air autour d’elle vibrait d’une intensité surnaturelle, saturé d’une énergie intangible qui semblait résonner avec les battements du cosmos. Une tension presque palpable s’élevait, chaque particule de l’environnement frémissant sous le poids de cette présence. Le silence qui précédait ce phénomène était lourd,suspendu entre les mondes visible et invisible.
« Comme toi, je n’ai pas de nom, car dans le grand ballet cosmique, les noms ne sont que des illusions éphémères. Je suis l’écho du néant et la voix de l’éternité. La Maîtresse du Savoir et la Mort ne sont qu’un reflet de la même essence sacrée. La Mort, je fus, je suis et je serai à jamais, indéfectible et omniprésente.
En tant que Gardienne des Royaumes Éternels, je suis la souveraine des âmes égarées, la tisseuse des fils du destin qui s’étendent au-delà des vivants. Mon royaume approche de son crépuscule, et le vôtre est sur le point de suivre le même chemin obscur.
L’heure est venue de désigner celui qui sera capable de porter le poids des attentes universelles, celui qui accomplira ce que le destin exige avant l’ultime fin. Accorde-moi le pouvoir nécessaire pour guider cette transition, pour sceller le futur avec la sagesse des âges anciens et l’autorité des cieux. Permets-moi de façonner le destin selon les volontés divines, pour que le cycle sacré se poursuive avec grandeur et vérité. »
La lieuse de vie prit une profonde inspiration, un souffle qui semblait emporter avec lui les murmures des âges révolus. Elle se redressa avec une dignité baignée de sérénité et de résolution, avant de répondre avec une fermeté résolue, sa voix résonnant comme un écho d’autorité et de sagesse ancienne.
« Personne ne mérite ce pouvoir. »
Un grondement sourd et furieux s’éleva des profondeurs de l’ombre, brisant le calme troublé avec une intensité terrifiante. L’écho invisible, devenu une entité enragée, rugissait avec une colère et une frustration inouïe. Ce hurlement furieux déchira le silence, résonnant comme le cri d’un titan enchainé, un cri qui semblait vouloir déchirer le voile entre les mondes.
Les ombres, jusqu’alors dansantes et fluides, se mirent à s’agiter avec frénésie, se tordant et se heurtant en une danse chaotique. Les murs de la chaumière vibrèrent sous l’assaut de cette colère surnaturelle, leurs surfaces se déformant et se fissurant sous la pression de cette énergie déchaînée. La lumière du feu, jusqu’alors vacillante, fut absorbée, dévorée par cette vague d’obscurité en furie qui engloutissait tout sur son passage.
La chamane, au centre de cette tempête d’obscurité, semblait être en symbiose avec la fureur de l’écho invisible. Ses traits se durcirent sous l’impact de cette rage cosmique, ses yeux brillant d’une lueur résignée et déterminée. L’atmosphère était chargée d’une énergie explosive, chaque souffle d’air vibrant comme un battement de tambour dans cette scène d’apocalypse mystique.
Les murs de la chaumière, engloutis dans cette rage surnaturelle, devenaient le théâtre d’un affrontement épique entre la lumière et l’obscurité, où chaque vibration, chaque écho, portait l’empreinte d’une bataille céleste qui résonnait à travers les âges et les dimensions.
« Trouve l’origine ! »
L’écho résonna à travers tout le marécage, ébranlant l’air avec une intensité profonde. Une onde puissante se propagea à la surface des eaux, faisant vibrer et onduler le marais dans un ballet chaotique.
Les eaux, en réponse à ce rugissement surnaturel, se déformèrent et se soulevèrent, se tordant sous l’effet de cette résonance mystique comme si le marécage lui-même était en proie à un tremblement d’origine céleste.
« L’origine est un mythe ! » Dit-elle courageusement malgré la puissance de l’écho.
« Trouve celui qui portera le fardeau de l’origine et remets-le-moi. L’être d’exception que tu choisiras, celui qui transcende le commun, fut, est et sera le seul choix que tu auras. Ainsi, par cette désignation, la Rythe pourra retrouver son équilibre, rétablissant l’harmonie entre mon royaume et ton monde. »
L’écho invisible traversa la chamane, insufflant en elle un souffle nouveau et puissant. Ses yeux, d’un coup, devinrent blancs, vidés de toute vie, semblables à ceux des morts. En cet instant précis, une clarté éclatante envahit son esprit. Le monde autour d’elle prit une nouvelle dimension, chaque détail se dessinant avec une précision surnaturelle.
La chamane comprit alors que l’esprit de la Mort lui avait transmis un savoir ancien et profond. Une sagesse obscure, cachée dans les recoins les plus sombres de l’existence, s’ouvrait à elle. Ses sens s’aiguisèrent, et les murmures des âmes perdues, autrefois incompréhensibles, se muèrent en un chant harmonieux de vérité.
Les ombres dans la chaumière semblèrent se reculer respectueusement, comme si elles reconnaissaient en elle une nouvelle gardienne des secrets funestes. La température chuta, une fraicheur solennelle s’installant, marquant le passage du savoir ancestral dans son être.
Le feu se ralluma avec une vigueur renouvelée, comme si les flammes, ayant doucement sombré dans une obscurité mystérieuse, avaient brusquement retrouvé leur souffle primordial. Les langues de feu, d’abord vacillantes et timides, s’élevèrent avec une intensité flamboyante, dansant avec une passion retrouvée qui semblait faire éclipser l’ombre et la glace de la nuit. Chaque braise, chaque étincelle, se révolta avec une force nouvelle, illuminant la pièce d’une lumière éclatante et vibrante, comme si le feu, dans un élan de renaissance, avait décidé de réaffirmer sa domination sur les ténèbres.
« Mon nom n’a guère d’importance, Car je suis le Tout, et le Tout est Un.
À l’aube des temps, façonnée par les forces anciennes,
La terre nommée Mère surgit, sous le regard des astres bienveillants. Tes paroles, je les ai entendues avec une acuité immémorial,
La Mort, éternelle et omniprésente, fut jadis, Est aujourd’hui, et sera toujours ainsi,
Sa nature trompeuse et ses ruses obscures éveillent une vigilance constante. Son dessein, enveloppé dans les voiles d’ombre,
Je le scrute avec une sagesse aiguisée,
Pour le bien de la Rythe, ma mission je prends en main, Avec une résolution ferme et inébranlable.
Malgré les pièges que tu tisses et les illusions projetées, Je poursuis mon devoir avec une foi solide,
Implorant l’Éternel pour que ta dévotion envers Mère Demeure sincère, même dans ses aspects les plus troublants. À travers les échos envoûtants et les ténèbres profondes,
Je m’efforce de restaurer l’équilibre dans la Rythe,
Espérant que, même au coeur des mystères les plus impénétrables,
La lumière de Mère et la vérité transcendante de l’Éternel guideront mes pas.
Ainsi, illuminant le chemin vers la rédemption, Je recherche l’équilibre éternel pour tous,
Sachant que chaque épreuve et chaque ombre, Peut révéler une voie vers la lumière sacrée.
‘Rythe est Mère, Rythe est Mer, Rythe est Tout et le Tout est Un,
Que l’harmonie guide nos pas, que la sagesse éclaire notre chemin. »’
***
Les échos des fidèles se muèrent en un silence respectueux, comme si les âmes elles-mêmes retenaient leur souffle. La lieuse de vie se leva avec grâce, se tournant vers les marécages enveloppés de brume. Ses yeux se posèrent sur les fidèles agenouillés, et elle laissa échapper un long soupir, lourd de résignation et de détermination.
Comprenant pleinement la tâche sacrée qui lui avait été confiée, elle semblait éprouver une réticence profonde face à ce pacte inévitable avec la déesse de la mort. Un frisson parcourut l’air alors que les loups, sentinelles nocturnes, hurlaient leur appel à la lune pleine et entière. Le rituel avait atteint son apogée, scellant le destin de la lieuse de vie dans un éclat lunaire.
Elle savait que son rôle dans la suite de cette histoire serait crucial, un pivot entre le monde des vivants et des morts. Ses connaissances étaient vastes et insondables, et pourtant, elle percevait l’ampleur de ce qu’elle ignorait encore. Toutefois, sa première tâche se dessinait avec une clarté implacable, comme gravée dans la pierre des temps anciens.
L’atmosphère autour d’elle était chargée d’une énergie mystique, le marécage lui-même semblait retenir son souffle, en attente de son prochain mouvement. La brume dansait lentement, portée par des courants invisibles, et les ombres semblaient s’incliner devant la nouvelle gardienne des secrets funestes.
Une symphonie de murmures et de souffles s’élevait, comme une prière silencieuse adressée à la nuit éternelle.
La lieuse de vie, désormais porteuse d’un savoir ancien et redoutable, se tenait prête. Son coeur battait au rythme du destin, et elle savait qu’elle devait avancer, pour la Rythe, pour l’équilibre des mondes. Les étoiles scintillaient au-dessus, témoins silencieux de son serment et de la voie qu’elle devait désormais emprunter.
Elle monta sur sa monture, un puissant destrier au pelage sombre comme la nuit, et prit le seul chemin de terre qui s’éloignait de sa chaumière. La forêt du marécage s’ouvrait devant elle, un labyrinthe d’ombres et de lumières ondulantes. La lune, pleine et argentée, était son unique guide, ses rayons perçant à peine à travers le feuillage dense. Chaque pas de sa monture semblait résonner avec une intensité mystique, brisant le silence nocturne.
Les arbres aux branches noueuses se dressaient comme des gardiens anciens, leurs silhouettes fantomatiques dansant au rythme du vent. Les yeux perçants de la lieuse de vie scrutaient les ténèbres, détectant les moindres mouvements. Les cris lointains des animaux nocturnes et le murmure des eaux stagnantes composaient une symphonie inquiétante mais familière. Chaque souffle de vent portait avec lui des secrets oubliés et des promesses de jours anciens. La lieuse de vie avançait, imperturbable, une figure solitaire mais imposante dans la nuit.
Au petit matin, elle arriva à la ville de Skal’d. La cité, bâtie sur des fondations de bois robustes, s’élevait audacieusement au-dessus des marécages. Les maisons, perchées sur leurs pilotis, semblaient flotter sur un océan de brume et d’eau stagnante. Les premiers rayons du soleil pénétraient timidement à travers le brouillard épais, illuminant les ruelles étroites et les façades de bois usé. La ville commençait doucement à s’éveiller, ses habitants sortant de leurs demeures pour saluer la nouvelle journée.
Les étals du marché s’ouvraient lentement, et les marchands commençaient à installer leurs marchandises, créant un ballet de couleurs et de sons. Les odeurs de pain frais et de plantes médicinales se mêlaient à celles plus persistantes des marécages, créant une atmosphère unique et complexe. Les enfants couraient dans les rues, leurs rires contrastant avec le murmure grave des anciens, rappelant les histoires des temps révolus.
La lieuse de vie s’arrêta devant la grande porte en bois de la ville, une entrée majestueuse et finement sculptée. Les reliefs détaillés racontaient des histoires de héros oubliés et de batailles épiques, vestiges d’un passé glorieux. Skal’d, malgré son allure imposante, portait les marques du temps et de l’oubli. Ses murs autrefois fiers étaient maintenant couverts de mousse, et les tours de guet semblaient veiller sur une ville endormie dans sa propre mélancolie.
« Halte, qui va là ? » s’écria un jeune homme vêtu d’une armure de cuir mal ajustée, une hache émoussée pendant à son côté. Sa voix trahissait autant la vigilance que l’appréhension, écho d’une cité autrefois prospère mais maintenant en déclin.
La lieuse de vie abaissa sa capuche, révélant son visage marqué par la sagesse et la connaissance. Le jeune garde, surpris, recula d’un pas, manquant de trébucher.
« Ouvrez, c’est la chamane des marais ! » aboya-t-il alors à ses compagnons en contrebas, sa voix chargée de respect et de nervosité.
Les portes de la ville s’ouvrirent dans un brouhaha de chaînes et de bois grinçant. Le son résonnait à travers les rues, annonçant l’arrivée de la chamane à toute la ville. Les habitants, curieux et intrigués, se rassemblèrent aux fenêtres et dans les ruelles pour apercevoir celle qui portait les secrets des marais et des anciens. La lieuse de vie entra, son regard déterminé fixant l’horizon, prête à accomplir la mission que le destin lui avait confiée.
Les murmures couraient déjà parmi les habitants, leurs voix basses tissant des récits de mystère et de magie. La chamane avançait, une figure imposante dans cette ville oubliée, son esprit connecté aux forces de la Rythe, prête à jouer son rôle crucial dans l’équilibre des mondes.
Les sabots du cheval de la lieuse de vie résonnaient avec une clarté rythmique sur le ponton de bois qui serpentait jusqu’au coeur de la ville de Skal’d. Le son des sabots, régulier et implacable, semblait annoncer sa présence avec une gravité solennelle. Les habitants, en la voyant approcher, s’inclinaient respectueusement, marquant leur dévotion et leur admiration devant cette figure légendaire. Leurs regards suivaient chaque mouvement, mais elle, implacable, ne daignait poser les yeux sur eux, concentrée sur son objectif.
Le chemin de planches usées par les siècles menait à une auberge aux enseignes rustiques, nommée « L’Écorce d’Argent ». Ce bâtiment, un mélange d’architecture ancienne et de charme accueillant, se tenait comme un phare au milieu des brumes matinales. Ses poutres de chêne, ornées de sculptures élégantes, portaient les marques du temps tout en offrant un refuge chaleureux contre les rigueurs du monde extérieur.
La lieuse de vie arrêta sa monture devant la porte de l’auberge. Le bois sculpté, riche en détails minutieux, était lui très usé. L’enseigne, délicatement travaillée, brillait faiblement sous la lueur du matin, ajoutant une touche d’élégance à l’entrée de l’auberge.
Elle descendit de son cheval avec une grâce silencieuse et résolue, ses mouvements empreints d’une dignité ancestrale. Son visage, marqué par les épreuves et la sagesse des âges, restait impassible, focalisé uniquement sur la mission à accomplir. Le vent léger faisait onduler les bannières suspendues aux murs, tandis que la ville continuait de se réveiller doucement autour d’elle. Les regards des passants, mêlés d’émerveillement et de respect, restaient fixés sur la figure imposante de la chamane, tandis qu’elle se dirigeait vers l’entrée de
« L’Écorce d’Argent ».
Un homme au dos courbé, l’air fatigué et épuisé, s’avança vers la chamane. Ses gestes étaient lents et hésitants, marqués par des années de souffrances invisibles. Il attrapa la main de la chamane avec une certaine désespérance.
« Point de salut dans ces lieux maudits pour une créature telle que vous. » murmura-t-il d’une voix rauque, crachant avec mépris en direction de l’auberge, comme si le simple regard de ce lieu pouvait contaminer son âme.
La chamane, surprise par l’apparition soudaine de cet homme, fit un pas en arrière, ses yeux perçant à travers le voile de mystère qui l’entourait. L’homme était très vieux, affamé, et ses vêtements déchirés parlaient d’un calvaire profond et interminable. Ses paroles empreintes de fatalisme n’étaient pas nouvelles pour elle.
Avec une douceur infinie, elle posa sa main sur le visage du vieillard, ses gestes chargés de compassion et de compréhension. Se penchant pour le regarder droit dans les yeux, ses propres yeux d’un marron profond commencèrent à se teinter de noir, révélant une profondeur d’émotions et de pouvoirs cachés.
« Je te libère de ta tourmente. » murmura-t-elle d’une voix chargée de réconfort et de mystère. Le vieil homme, à ces mots, esquissa un sourire baigné de sérénité, comme si un poids invisible venait de se lever de ses épaules. Il se redressa avec une lenteur respectueuse, avant de marcher dans la direction opposée à celle de la chamane. Ses pas étaient hésitants, mais il avançait avec une légèreté retrouvée. Cependant, il tituba bientôt avant de s’effondrer doucement sur le sol, un sourire paisible encore sur ses lèvres.
Dans la ville de Skal’d, la lieuse de vie était renommée pour sa capacité à exaucer les voeux les plus profonds et sincères enfouis au plus profond de l’âme. Ses pouvoirs étaient enveloppés de mystère et de légendes, et chaque acte de miséricorde qu’elle accomplissait renforçait encore davantage son aura de sagesse mystique.
Après cet acte de charité, les passants, attirés par le miracle qu’ils avaient vu, commencèrent à s’approcher de la chamane avec des demandes pressantes et des regards suppliants. Un simple regard noir de sa part fit tourner les talons à la plupart d’entre eux. Elle était venue à Skal’d non pas pour apaiser ses habitants, mais pour accomplir une quête spécifique et cruciale.
Elle ouvrit la porte de l’auberge, révélant un intérieur familier pour elle. L’auberge, autrefois le lieu de rassemblement des plus grands seigneurs de Skal’d, semblait maintenant plongée dans une ambiance sombre et lugubre. Le matin, encore timide, peinait à pénétrer à travers les carreaux médiévaux de verre dépoli, dont la lumière brisée créait des motifs diffus sur le sol en pierre.
À l’intérieur, l’auberge était presque déserte. Les clients qui s’étaient réfugiés là pour fuir les brumes du matin étaient allongés sur les chaises, affalés contre les tables et le comptoir, endormis dans un sommeil lourd et non réparateur. Les bruits de la ville semblaient étouffés derrière les murs épais, et le silence pesant était seulement interrompu par le léger crépitement d’une cheminée mourante.
Elle perçut une présence distincte parmi la foule, une essence qui se détachait du commun. Ce n’était pas seulement la présence des hommes qui l’entourait, mais quelque chose de plus ancien, de plus pur, de plus empreint de sagesse ancestrale. Un frémissement subtil, comme un souffle du passé, lui confirma ce qu’elle savait déjà : un elfe se tenait parmi eux.
Elle se dirigea avec une grâce éthérée vers le comptoir, ses mouvements imprégnés d’une majesté silencieuse. L’aubergiste, dont le visage était marqué par des années de fatigue et de désillusion, la fixa avec une crainte palpable dans les yeux.
« Quel est le meilleur chasseur de primes de Skal’d ? » demanda-t-elle d’une voix calme mais chargée d’une autorité mystérieuse.
L’aubergiste, visiblement intimidé, inclina la tête en direction des recoins sombres de l’auberge où se trouvaient les plus redoutables des chasseurs de primes. Ses yeux se posèrent alors sur les âmes inconscientes qui l’entouraient, tous endormis après une nuit d’ivresse. L’atmosphère de l’auberge semblait s’épaissir sous le poids des regards de la chamane, ses yeux perçant les ombres et les secrets des lieux avec une intensité qui mettait à mal la résistance de l’homme.
« Il ne doit pas être agréable d’être le tenancier d’un pareil lieu sans pouvoir parler », murmura-t-elle, d’une voix mélancolie.
L’aubergiste ouvrit la bouche, dévoilant timidement que sa langue avait disparu. Ses yeux étaient emplis d’une terreur résignée. La chamane posa alors ses mains près de son visage avec une délicatesse marquée de compassion, tandis que des larmes silencieuses coulaient le long de ses joues. Elle inclina la tête avec tristesse, le poids de la situation pesant lourdement sur elle.
« Tu mérites ton châtiment ; c’est charité que de t’avoir laissé la vie sauve », soupira-t-elle, sa voix se perdant dans le murmure du destin inexorable.
Elle retira ses mains, et l’homme, secoué par une douleur sourde, sembla ressentir l’impact d’un sort funeste. En vérité, elle avait sondé son esprit avec une rigueur impitoyable, explorant les ténèbres de son âme pour dévoiler les secrets qu’il cachait. Elle avait revécu les événements de la nuit précédente, scrutant les âmes égarées qui avaient partagé ce sombre repaire. Parmi eux, un
elfe se distinguait. Les elfes, naturellement réticents à se mêler de leurs ennemis jurés, étaient exceptionnel ici. Le destin, pensa-telle, avait bien voulu lui offrir cette rareté.
Son regard se porta de nouveau sur la salle, et elle aperçut enfin la capuche de l’elfe qu’elle recherchait, négligemment affalée sur une table entourée de chopes de bière vides. Avec une précision presque surnaturelle, elle se posa délicatement devant lui. L’aubergiste, accablé par sa propre déchéance,s’effondra en pleurs au fond de l’auberge. D’un simple mouvement de main, elle fit cesser les sanglots de l’homme, un geste de pouvoir et de contrôle qui résonna dans l’air.
Elle contempla l’elfe, dont l’état pitoyable contrastait avec la grandeur habituelle de sa race. Avec un geste décidé, elle fit tomber toutes les chopes par terre, le bruit sec et fracassant résonnant comme un tonnerre dans la pièce. L’elfe, arraché de son sommeil par le fracas, se redressa en sursaut, ses yeux s’ouvrant dans la confusion et la surprise. La rencontre décisive entre la chamane et l’elfe, marquée par l’éclat d’une mission sacrée, était enfin sur le point de commencer.
Elle se tourna vers l’elfe, une lueur d’autorité mystique dans ses yeux. « Crois-tu pouvoir dissimuler ta véritable essence sous le voile de ta capuche ? » demanda- t-elle d’une voix empreinte de l’énigmatique gravité des temps anciens.
L’elfe, d’un air de dédain, grogna avant de se redresser et de s’étirer avec une grâce qui frôlait la disgrâce.
« Ma chère, je ne vois guère de quoi vous parlez. » rétorqua-t-il d’un ton nonchalant.
À peine eut-il tenté de se lever que des chaînes invisibles, forgées par une puissance qui le dépassait, le maintinrent fermement en place. La menace perça alors dans ses paroles. « Si vous osez encore me jouer des tours, je jure de faire rouler votre tête sur le pavé. »
La chamane, implacable, demeura de marbre, son visage impassible comme celui des statues antiques. « Il est surprenant de constater votre absence d’accent, un mystère pour un elfe. Avez-vous donc maîtrisé notre langage à ce point ? » demanda-t-elle, son regard perçant comme le clair de lune.
L’elfe se racla la gorge, une lueur de nervosité perçant à travers son arrogance.
« J’ai passé bien des années parmi vos semblables. À présent, que me voulez- vous ? » interrogea-t-il, cherchant à détourner le sujet.
« Je vous recherche. » répondit-elle simplement.
« Pourquoi donc ? » demanda-t-il, une ombre d’inquiétude dans la voix.
« Une quête d’une importance capitale. » répondit-elle avec une solennité implacable.
« Pourquoi moi ? Il y a tant d’autres âmes ici. »
« Mère vous a guidé sur mon chemin pour une raison, il me faut un être éternel pour cette quête. »
« Et qui êtes-vous réellement ? »
« Mon nom ne résonne point dans les récits des hommes, mais je suis une lieuse de vie. » répondit-elle avec une noblesse intemporelle.
« Croyance humaine, semblable à celle des elfes, elle m’indiffère. Cependant,
vous éveillez ma curiosité. »
« Une lieuse de vie est une entité ancestrale. » expliqua-t-elle avec une douceur empreinte de mystère. « À ma mort, mon corps se décomposera, mais mon âme renaîtra dans un nouveau corps, portant avec elle tout le savoir accumulé. Tout comme les elfes, qui vivent éternellement et amassent la sagesse, je transmets ce savoir à travers les âges. Ainsi, les lieuses de vie engrangent un savoir éternel. Ma communion avec les esprits et la nature fait de moi une chamane. La quête que j’embrasse aujourd’hui pourrait s’étendre sur des générations ou débuter dès demain. Ainsi, il me faut un mercenaire tel que vous. »
« Voilà qui explique pourquoi vous inspirez une telle terreur et pourquoi vous souhaitez m’attirer à votre service. Mais je doute que vous puissiez me rémunérer sur plusieurs générations. »
« Bien que le peu d’or ne puisse vous motiver, sachez que cette quête est essentielle à la survie de la Rythe. » répondit-elle avec une conviction implacable.
« Croyez-moi, lieuse, j’ai vu assez de guerres pour savoir que le destin de la Rythe est scellé, et ni vous ni moi ne pourrons y changer quoi que ce soit. »
La lieuse de vie éclata d’un rire silencieux et mystérieux. « Rien n’est écrit dans les étoiles, les prophéties ne sont que des contes ; seuls les choix que nous faisons forgeront notre avenir. Il ne reste plus qu’à prendre la plume pour écrire le destin de notre monde. »
« Pensez-vous vraiment que le sort de la Rythe me préoccupe, lieuse de vie ? »
« Si vous me permettez de sonder votre esprit, je pourrais vous offrir la paix que vous recherchez à travers votre consommation excessive d’hydromel. » répondit-elle avec une lueur d’espoir dans les yeux.
L’elfe, abasourdi, sentit des larmes couler le long de ses joues marquées par le chagrin.
« Possédez-vous réellement pareil pouvoir ? » demanda-t-il, sa voix tremblante.
Le regard de la lieuse de vie se fit plus sombre, et ses mains se dirigèrent lentement vers le visage de l’elfe, dans un geste empreint d’une communion mystique. Alors que leurs âmes se mêlaient, le monde autour d’eux semblait se dissoudre dans un tourbillon d’éternité. Les abysses de l’esprit de l’elfe se dévoilèrent à elle, révélant les profondeurs insondables de son être.
Dans cette union spirituelle, le temps sembla suspendre son cours. La lieuse plongea dans les ombres de l’âme de l’elfe, explorant les méandres de ses souvenirs enfouis.
« L’aimiez-vous à ce point, ô Elfe ? » demanda-t-elle avec une compassion qui
transcendait les âges.
« En deux siècles d’existence, jamais je n’ai connu un amour aussi profond. » répondit-il, la tristesse et la surprise marquant ses traits. Il réalisait désormais la profondeur de la compréhension de la lieuse et la prenait d’autant plus au sérieux.
« Vous êtes encore jeune parmi les elfes, et il est regrettable de voir une telle
affliction après un tel vécu. »
« Mon histoire m’appartient, mais elle me tourmente et m’assaille. Elle me hante dans mes rêves et me perd dans les vapeurs d’hydromel le jour. Je ne puis endurer plus longtemps cette souffrance. »
« Je puis apaiser votre tourment, mais pour ce faire, il me faudra vous plonger dans l’oubli. À votre réveil, vous serez transformé en un autre elfe, détaché de votre passé, et seul le devoir que je vous confierai conservera pour vous une importance sacrée. »
L’elfe, les mains jointes comme en prière, regarda la chamane avec une lueur d’espoir et de résignation dans les yeux.
« Si vous possédez ce pouvoir, j’accepte d’effacer de ma mémoire cet amour
perdu. Je m’engage à vous servir sans réserve. »
« Les mots portent un pouvoir immense.» répondit-elle avec gravité. «Un seul mot peut renverser des royaumes, un autre peut en réduire les fondations en poussière ; telle est la loi écrite dans les cieux par les dieux éternels. Ces paroles doivent se faire promesse. Je veillerai à ce que vous teniez votre engagement. »
En proie à des sanglots discrets, l’elfe reprit son souffle avec difficulté. « Je suis
prêt à accomplir ma tâche. »
La lieuse de vie entoura à nouveau sa tête de ses mains, ses yeux noirs pénétrant l’âme de l’elfe avec une intensité insondable. L’elfe poussa un cri de douleur, comme si ses pensées étaient arrachées avec une violence inouïe. Finalement, l’effort fut tel qu’il perdit connaissance, s’effondrant lourdement sur le sol.
La chamane se pencha avec soin sur le corps inerte de l’elfe, recouvrant ses oreilles avec la douceur de sa capuche.
« Uldyr, désormais sans nom, à votre réveil, votre seule raison d’être sera d’aller à Silarus, dans la vallée oubliée, pour enquêter sur l’Origine. Nul ne sait ce qu’elle est, mais vous consacrerez votre vie éternelle à sa recherche. À chaque pas, je serai là pour vous guider, vous laissant vous orienter à travers les brumes de l’inconnu. Bien que le fil du destin ne soit pas écrit, gardez en mémoire le nom de Missera. »
Elle se redressa lentement et se dirigea vers la sortie, laissant le corps de l’elfe replié dans l’ombre de l’auberge. Ainsi commença l’histoire d’Ordalie, dans les marécages obscurs d’un monde déchu de raison. À la lueur incertaine du matin dans la ville de Skal’d, un nouveau chapitre s’ouvrit, marqué par l’inconnu et l’inévitable destinée.
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