Chapitre 4 - Paladin
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Chapitre IV
Paladin
Quelques années plus tard…
« Edhe, réveille-toi ! La cérémonie va commencer ! » s’écria Albérion, sa voix perçant le silence de l’aube naissante.
Edhe ouvrit lentement un œil, la lumière du soleil encore absente de l’horizon. À vingt ans, il était devenu un paladin au service de l’ordre du Sigle, un titre prestigieux qu’il avait acquis grâce à son dévouement inébranlable et sa maîtrise des arts de la guerre. Depuis quatre ans, il perfectionnait son apprentissage avec une rigueur inlassable. Nommé paladin à l’âge de dix-huit ans, ses compétences diverses et sa discipline exemplaire avaient rapidement attiré l’attention de ses supérieurs.
Désireux de gravir les échelons et de devenir Parangon, Edhe avait demandé à être soumis à l’épreuve ultime. Conformément à la tradition, un binôme lui avait été assigné : un jeune page nommé Albérion. Trois années s’étaient écoulées depuis leur première rencontre, et durant ce temps, une amitié profonde et un respect mutuel s’étaient tissés entre eux.
Edhe et Albérion étaient liés par un destin commun. Pour qu’un Parangon puisse atteindre son apogée, il devait évoluer aux côtés de son binôme. Ensemble, ils devaient surmonter les épreuves, grandir en sagesse et en force, car la défaite de l’un signifierait la chute de l’autre. Albérion, armé de son grimoire, apportait la sagesse des anciens et une compréhension profonde des mystères de la magie. Edhe, quant à lui, brandissait une épée longue, symbole de sa force et de son courage sur le champ de bataille.
Leurs journées étaient rythmées par un entraînement incessant, de l’aube au crépuscule. Le jeune page, gardien des savoirs, assistait Edhe dans ses tâches et devoirs, son rôle allant bien au-delà de celui d’un simple accompagnateur. Albérion, bien que d’un rang égal, était souvent plus mage que guerrier, ses compétences se concentrant sur l’histoire, la diplomatie et la politique. En revanche, Edhe excellait dans la stratégie militaire, domaine par excellence du Parangon.
Les premiers rayons du soleil perçaient finalement l’horizon, baignant le paysage d’une lueur dorée. Edhe se leva, secouant la somnolence de ses membres.
« Par tous les Saints, Albérion, de quoi parles-tu ? » répliqua Edhe, visiblement encore fatigué. Sa voix rauque trahissait les vestiges d’un sommeil trop court et agité.
« À n’en point douter, tu oublies trop souvent la cérémonie d’adoubement des nouveaux paladins ! » dit Albérion, l’excitation perçant dans sa voix. Ses yeux pétillaient d’une lumière presque enfantine, contrastant avec la gravité de l’événement à venir.
Edhe soupira avant de se lever avec nonchalance. Les courbatures des entraînements physiques pesaient lourdement sur ses épaules. Il se dirigea vers le bassin pour se rincer le visage. La lumière vacillante de la bougie révélait une musculature finement sculptée par des années d’entraînement intensif. Ses abdominaux saillants et ses bras développés témoignaient de son dévouement à la maîtrise du combat. Les nombreuses cicatrices sur son corps racontaient la rigueur de ses leçons. Chaque entaille, témoignant de son acharnement à dépasser ses limites, était souvent recousue par Albérion.
Le regard d’Edhe se perdit un instant dans son reflet dans le miroir d’eau du bassin, observant les traits durs et marqués par les épreuves. Chaque cicatrice était un souvenir d’un combat acharné, un rappel constant de la fragilité de la vie et de la détermination nécessaire pour la préserver. Ses yeux reflétaient une profondeur insondable, une sagesse acquise à travers le sang et la douleur.
« Très bien, Albérion. Nous assisterons à la cérémonie, après tout, l’ordre n’accepte de nouvelles recrues qu’une fois par an. Quel est le programme du jour, sinon cela ? » demanda-t-il en s’essuyant le visage, essayant de chasser les dernières traces de sommeil.
Albérion tendit une tunique à Edhe et commença à préparer l’armure posée sur le présentoir au pied du lit de son compagnon. La pièce, bien que simple, dégageait une atmosphère de solennité. Les murs de pierre étaient ornés de tapisseries représentant des scènes de batailles et des exploits héroïques de l’ordre du Sigle. La lumière de l’aube commençait à filtrer à travers les étroites fenêtres, apportant une lueur dorée qui illuminait la chambre.
« L’ordre souhaite que nous pourchassions des bandits qui attaquent et pillent régulièrement les terres du nord. » expliqua Albérion, son ton devenant plus grave.
En enfilant sa tunique, Edhe répliqua : « Quels seront nos moyens ? »
« Nous serons fort nombreux, à n’en point douter : toi et moi. » ironisa le jeune page avec un sourire espiègle, essayant d’alléger l’atmosphère.
Edhe prit la cotte de maille et demanda sérieusement : « Penses-tu que je vais enfin faire couler le sang, ou que tes mots vont sauver des vies ? »
Albérion, tout en fixant la cotte de maille avec des lanières de cuir, répondit : « Je te remercie de souligner la valeur de mes mots bienveillants, mais Maître Paladin Golfield nous a parlé des agressions violentes de ces couards. Ils sont de surcroît très nombreux, d’après les informations collectées. Tiens, voici ton tabard. »
Edhe enfila le tabard, la croix argentée brillant à la lumière de la bougie de la chambrette. « Pourquoi sommes-nous si peu s’ils sont si nombreux ? » demanda-t-il en se laissant équiper par Albérion.
« J’imagine que c’est encore un test. Rappelle-toi, la patience fait partie de l’épreuve. »
« J’ai appris la vertu de la patience il y a bien longtemps, avant même de devenir paladin. Ne t’inquiète pas pour cela, je sais que le processus peut durer des années. » répondit Edhe avec une sérénité tranquille.
Albérion apporta les épaulières et les fixa délicatement sur les épaules d’Edhe. Ce rituel matinal était devenu une habitude pour les deux jeunes hommes. Chaque geste était empreint de respect et de camaraderie, un témoignage de la confiance et de l’affection qui les liaient.
« Soyons reconnaissants de pouvoir quitter le terrain d’entraînement et les salles de classe, ne serait-ce qu’un peu. » dit Albérion en ajustant les dernières pièces de l’armure.
« Pas de zèle avec les donzelles des villages que nous sauverons cette fois, Albérion, je te prie. » répliqua Edhe avec un sourire en coin, ses yeux brillants de malice.
« Oh, vous savez bien qu’elles n’ont d’yeux que pour vous, ô grand et noble Seigneur Sangreblanc. » répondit Albérion en riant.
Les deux jeunes hommes se mirent à rire de bon cœur. Albérion avait le même âge qu’Edhe, avec un visage rond et des traits peu fins. Il était brun aux yeux marron, bon vivant avec une corpulence légèrement développée. Il aimait beaucoup les femmes et ses mots enchanteurs faisaient de lui un véritable charmeur. Beaucoup de femmes tombaient dans ses filets. Edhe, par sa carrure imposante, était courtisé, mais bien qu’il eût une appétence pour les rapports intimes, ce n’était pas son objectif premier. Il était toujours à la recherche de l’excellence.
« Tout cela semble si lointain maintenant… » dit Edhe d’un air nostalgique tout en fixant son ceinturon.
« Rassure-toi, nous reverrons nos terres un jour. » répondit Albérion, posant une main réconfortante sur l’épaule de son ami.
« Une fois Parangon. » dit Edhe, déterminé.
Albérion termina de fixer les genouillères et l’ensemble de l’armure. Edhe se présenta devant lui afin qu’Albérion vérifie l’ensemble. Ses cheveux, indomptables et échevelés, étaient illuminés par les premiers rayons du soleil, créant une auréole dorée autour de sa tête.
Son cou était entouré d’un gorget en mailles, chaque anneau soigneusement entrelacé pour former une protection souple mais robuste. Le plastron qui recouvrait sa poitrine était lisse, ses surfaces polies renvoyant les lueurs naissantes du jour. Cette armure, conçue pour résister aux assauts les plus violents, était une œuvre d’art autant qu’un instrument de guerre, chaque plaque soigneusement ajustée pour permettre à la fois une protection maximale et une mobilité fluide.
Les spalières, larges et segmentées, épousaient les contours de ses épaules, permettant au chevalier de lever et d’abaisser ses bras avec aisance. Sous ces épaulières, les brassards protégeaient ses avant-bras, se terminant en coudières articulées qui suivaient chaqu’un de ses gestes, sans jamais restreindre sa liberté de mouvement.
Les gantelets, aux doigts fins et segmentés, enveloppaient ses mains dans une étreinte métallique, chaque articulation capable de mouvements précis et fluides, essentiels pour manier l’épée qu’il tenait fermement dans sa main droite. Cette épée, à la lame longue et effilée, semblait une extension naturelle de son bras, prête à frapper à tout moment.
Ses cuisses étaient protégées par des cuissards bien ajustés, conçus pour absorber les chocs des combats rapprochés. Les grèves, qui couvraient ses tibias, et les solerets, qui enveloppaient ses pieds, complétaient cette armure imposante, chaque pièce intégrée de manière à offrir un équilibre parfait entre défense et agilité.
Sous cette carapace d’acier, une tunique sombre était visible, ajoutant une couche de confort et de protection contre les frottements et les impacts. La tunique, simple mais élégante, rappelait la noblesse des paladins.
« Tout est en ordre. » dit Albérion en terminant les derniers ajustements. Edhe, en armure complète, était prêt pour la journée. Ensemble, ils allaient affronter les défis à venir, unis par leur quête commune de gloire et de sagesse.
En sortant de leur chambrette, le souffle frais du matin les accueillit. Le chant des oiseaux et l’odeur de la rosée sur l’herbe leur rappelèrent que même dans les moments les plus sombres, la nature offrait toujours une promesse de renouveau et de paix.
***
La lumière du jour traversait les vitraux colorés de la cathédrale de Sigle, projetant des éclats de rouge, de bleu et de doré sur le sol de pierre polie. Ce sanctuaire imposant, chef-d’œuvre de l’architecture humaine, surpassait en grandeur et en majesté même la cathédrale de Solari, la capitale des hommes. Les tours de la cathédrale de Sigle s’élevaient comme des sentinelles veillant sur le royaume, leurs sommets semblant toucher le ciel. Chaque pierre de ses murs racontait une histoire, chaque gargouille et sculpture incarnait les mythes et les légendes de l’ordre du Sigle.
L’intérieur de la cathédrale était tout aussi impressionnant. Les colonnes de marbre s’étiraient vers les hauteurs, soutenant une voûte ornée de fresques représentant les exploits des paladins et des parangons d’autrefois. Les bancs de bois sombre étaient disposés en rangées soignées, et l’odeur de l’encens flottait dans l’air, ajoutant à l’atmosphère solennelle et sacrée du lieu. Les vitraux, chef-d’œuvre de verre et de plomb, racontaient des histoires de bravoure et de foi, illuminant la nef d’une lumière mystique.
Edhe et Albérion pénétrèrent dans l’édifice, et bien que ce ne soit pas leur première visite, ils furent malgré eux toujours impressionnés par la grandeur du lieu. Une foule bigarrée remplissait déjà la cathédrale : des nobles des villes voisines, des paladins et des parangons, tous revêtus de leurs imposantes armures noires et or. Les reflets métalliques des armures se mêlaient aux éclats des vitraux, créant un spectacle de lumière et de couleur. Les chants mélodieux des « anges de l’ordre » résonnaient sous la voûte, leurs voix harmonieuses s’élevant en un hymne sacré. Cette chorale, célèbre pour ses chants sacrés, entonnait les paroles qui résonnaient à travers la charpente majestueuse de la cathédrale de Sigle.
« Rythe ná Ammë, Rythe ná Eär, Rythe ná Ilúvë, ar i Ilúvë ná Er », chantaient-ils en boucle, leur voix douce et puissante à la fois. « Rythe est Mère, Rythe est Mer, Rythe est Tout, et le Tout est Un. » Les mots, prononcés dans la langue des dieux, semblaient imprégner les murs mêmes de la cathédrale, résonnant dans l’âme de chaque personne présente.
Les deux acolytes s’installèrent dans le fond de la salle, rejoignant l’ensemble des paladins. Les rangs les plus importants occupaient les premières places, réservées aux dignitaires et aux figures de premier plan de l’ordre. Edhe salua ses frères d’armes, échangeant des regards et des hochements de tête respectueux. À ses côtés, Albérion faisait de même, leurs mouvements synchronisés témoignant de leur longue camaraderie.
Alors qu’Edhe se trouvait une place, son regard fut attiré par une silhouette gracieuse, vêtue d’une robe soyeuse rouge pourpre. La courbure délicate de cette femme lui attira l’œil, et il ne put s’empêcher de la regarder avec insistance. Elle se tenait droite, sa présence rayonnante et presque éthérée. Ses cheveux châtain clair, lisses et soyeux, encadraient un visage d’une beauté angélique. Ses traits étaient fins, ses lèvres délicatement dessinées et ses yeux, bien que ne croisant pas directement ceux d’Edhe, semblaient percer son âme. Ses prunelles, d’un vert profond, brillaient d’une intelligence et d’une grâce naturelle.
Edhe sentit son cœur s’accélérer légèrement, captivé par cette apparition presque irréelle. Il se demanda qui pouvait être cette femme, dont la simple présence semblait illuminer l’obscurité de la cathédrale. Albérion, remarquant l’intérêt soudain de son ami, lui donna un léger coup de coude et chuchota avec un sourire taquin :
« Concentre-toi, Edhe. Nous sommes ici pour la cérémonie, pas pour rêver éveillé. »
Edhe hocha la tête, essayant de chasser de son esprit l’image de la jeune femme. Mais même alors qu’il tournait son attention vers l’autel, les chants sacrés et les paroles de l’ordination, il ne pouvait s’empêcher de penser à elle, se demandant quel rôle elle jouerait dans le destin qui l’attendait.
« Peux-tu me dire qui est cette noble, Albérion ? » demanda Edhe, ses yeux rivés sur la silhouette gracieuse de la jeune femme.
Les yeux d’Albérion suivirent la direction du regard de son ami et se posèrent sur l’objet de sa convoitise. « C’est dame Elysande de Verathia, fille unique du baron de Verathia, promise à quelque nobliau dont le nom m’échappe. Mais ce que je sais, c’est qu’elle n’est pas pour toi, mon ami. Le mieux que tu puisses faire, c’est de tourner ton attention vers quelqu’un de plus à ta portée. Une domestique ferait l’affaire. »
Edhe sourit timidement, un éclat de défi dans le regard. « Sais-tu qu’à la différence d’un page, un paladin peut aspirer à une caste supérieure qu’une domestique comme épouse ? »
Albérion, bien que fier et parfois orgueilleux, connaissait assez bien Edhe pour ne pas prendre offense. « Ô seigneur Sangreblanc, n’oublie pas que tu n’es plus seigneur mais simplement paladin. Une noble n’est pas davantage de ta caste. »
Un des convives de la cérémonie se tourna vers eux et chuchota sévèrement : « Chut, la cérémonie va commencer. »
Les deux hommes se turent immédiatement, se redressant avec une solennité retrouvée. La tension dans la grande salle était palpable, chaque personne présente consciente de l’importance de l’événement. Les chants des anges de l’ordre se faisaient plus doux, leurs voix se mêlant en une harmonie céleste qui emplissait la cathédrale. Les vitraux scintillaient sous les rayons montants du soleil, projetant des éclats multicolores sur les visages tournés vers l’autel.
Les prêtres s’avancèrent, leurs robes blanches bordées d’or flottant derrière eux. Ils portaient des reliques sacrées et des symboles de l’ordre, chacun marqué par des siècles de dévotion et de tradition. La cérémonie d’adoubement était un rite ancien, une promesse renouvelée à chaque génération de paladins.
Le chant des « anges de l’ordre » s’atténua doucement lorsque la lieuse de vie franchit les portes majestueuses de la cathédrale, suivie de près par l’élu de Parangone, le Parangon Èhone, chef de l’ordre de Sigle. Les deux figures sacrées se placèrent au centre de l’autel, où la scène se déployait dans une splendeur inégalée. Les rayons dorés du soleil matinal se reflétaient sur eux, illuminant non seulement leurs formes imposantes mais également les « anges de l’ordre » qui les entouraient, ainsi que les prêtres en habits d’une blancheur immaculée ornés de broderies dorées, témoignant de la richesse et du prestige de l’ordre.
« Paladins, Parangons, nobles, à genoux devant Paragone ! » s’écria Èhone, sa voix résonnant avec une puissance solennelle. Les chants de la chorale s’intensifièrent, leur écho vibrant dans les pierres séculaires de la cathédrale, créant une atmosphère profondément émouvante lorsque toute l’assemblée se mit à genoux. Le cliquetis des lames sortant de leurs fourreaux amplifiait encore la grandeur du moment, chaque paladin et parangon posant leurs épées au sol pour s’agenouiller dessus, conformément à la tradition sacrée.
Les voix de l’assemblée s’unissaient dans un chœur harmonieux, chantant des hymnes appris depuis leur entrée dans l’ordre. Ces chants exprimaient leur dévotion fervente à Paragone, leur dieu, en un instant de piété qui réchauffait les cœurs. Edhe et Albérion partageaient cette dévotion ardente, leur ferveur unie sous l’égide divine de Paragone.
La cérémonie se poursuivit ainsi pendant plusieurs minutes, jusqu’à ce que la lieuse de vie prenne la place d’Èhone, et que le volume des chants diminue. Elle prit la parole avec gravité :
« En ces heures sombres, nous nous réunissons une fois de plus pour agrandir la famille de l’ordre de Sigle. Alors que la guerre ravage les terres de l’est, l’ordre de Sigle se renforce, devenant le seul rempart contre les ténèbres. Chaque jour, nous diminuons les divisions entre les hommes pour nous unir face aux sylvestres, espérant que cet équilibre des forces apportera enfin la paix tant attendue depuis des siècles. Sous l’égide de Paragone, la paix viendra ! Gloire à Mère ! Gloire à Paragone ! Rythe est Mère, Rythe est Mer, Rythe est Tout, et le Tout est Un. »
Sa voix, portée par les échos de la cathédrale, résonna avec une puissance transcendante. Les paladins et parangons se redressèrent et, en signe de dévotion, frappèrent trois fois leurs mains contre leur cœur tout en brandissant leurs lames, accomplissant le geste sacré de Sigle. Ce geste, marquant leur respect et leur loyauté envers Paragone, fut suivi par un cliquetis imposant des armures alors que les fidèles se remettaient à genoux.
Èhone fit un geste invitant les novices présents à s’avancer vers le centre de la salle. La cérémonie d’adoubement allait commencer. Les jeunes hommes, tremblants d’excitation et de nervosité, s’avançaient un à un devant l’assemblée, les paroles solennelles du maître de l’ordre résonnant avec une gravité inoubliable. Chaque adoubement était marqué par une succession de rites symboliques, dont le geste de Sigle suivi d’un serment sacré devant Paragone. Le rituel était empreint d’une solennité et d’une majesté qui faisaient écho à la grandeur de l’ordre.
Edhe se remémorait son propre adoubement avec une émotion profonde. C’était l’un des jours les plus exaltants de sa vie, un honneur qu’il avait du mal à concevoir avant de rejoindre cet ordre sacré. Les souvenirs de ce moment intense, empreint de solennité et de fierté, restaient gravés en lui comme un symbole éternel de sa dévotion et de son engagement.
« N’y a-t-il pas moins de recrues année après année ? Seulement six cette année, pour le double l’année passée. » murmura Albérion à Edhe, observant la scène avec une inquiétude croissante.
« Le monde s’assombrit, la paix est désormais un mot rare sur les lèvres des hommes. » soupira Edhe en retour, son regard perdu dans la magnificence sombre de la cérémonie.
La cérémonie se poursuivit encore quelques minutes, avec un enchaînement de rites et de chants qui, malgré leur répétition, conservaient une intensité sacrée. Les rayons dorés du soleil, filtrant à travers les vitraux richement ornés de la cathédrale, baignaient les visages des participants dans une lumière divine. Chaque éclat semblait magnifier le moment, soulignant la profondeur de la solennité qui imprégnait l’assemblée.
Lorsque la foule commença à se disperser, les deux acolytes se regroupèrent avec les autres paladins, observant la fin des festivités avec une concentration silencieuse. Albérion brisa le silence, sa voix teintée d’urgence :
« Nous devons nous hâter, Edhe, notre quête nous attend. »
Edhe, dont l’esprit était encore absorbé par l’image de la jeune noble vue durant la cérémonie, répondit distraitement :
« Que peux-tu me dire sur le baron de Verathia ? »
Albérion soupira, une exaspération visible dans ses traits :
« Tu manques de discernement, mon ami. Le baron est un homme profondément calculateur, mettant ses propres intérêts avant ceux de sa fille. Ne t’attends pas à ce qu’il accorde la main de son unique enfant à un paladin. »
« À un paladin, non, mais à un Parangon, oui. » répliqua Edhe avec une conviction tranquille.
D’un pas résolu, Edhe se dirigea vers le baron de Verathia, qui conversait avec d’autres nobles dans un coin de la salle. Albérion, après une hésitation visible, le suivit avec une appréhension palpable.
« Permettez-moi de me présenter, gente dame, baron de Verathia. Je suis Edhe, maître paladin. » dit Edhe en inclinant la tête avec respect, sa posture empreinte de dignité.
Le baron examina le paladin avec un regard glacé, ses yeux perçants dénotant une méfiance évidente.
« Bonjour, jeune paladin. Que puis-je pour vous ? » répondit-il d’un ton distant, une froideur marquée dans ses paroles.
« Pardonnez mon impertinence, mais je ne suis pas simplement un paladin ; je suis également aspirant Parangon. Je viens vous demander la main de votre fille. »
Le visage du baron se déforma sous le choc, tandis qu’Albérion, à ses côtés, marquait une surprise visible. Le baron, d’abord figé par l’étonnement, se reprit rapidement et prit un air plus réservé.
« Pourquoi souhaiteriez-vous la main de ma fille, déjà promise à un autre ? »
« Je fais confiance à mon instinct. Je suis persuadé que l’avenir de votre fille se trouve à mes côtés, tout comme je suis certain de devenir un jour Parangon. »
Le baron observa alors la jeune noble, qui, sous ses yeux émeraude, esquissa un sourire léger. Le regard de sa fille trahissait une curiosité mêlée de charme, séduite par la détermination et l’audace d’Edhe.
« Est-ce de l’arrogance que nous voyons ici ou une vérité éclatante ? » demanda le baron, la question flottant dans l’air avec une légère note de défi.
Albérion intervint pour soutenir son ami :
« Le Page Albérion, au service de l’ordre et frère d’armes du maître paladin Edhe, vous demande de pardonner notre franc-parler. En temps normal, je serais plus diplomatique. Cependant, je dois vous assurer que ce n’est en rien de l’arrogance. Edhe est l’un des profils les plus prometteurs pour devenir un Parangon. Vous êtes un homme perspicace, capable de reconnaître une opportunité lorsqu’elle se présente. »
« La flatterie ne vous apportera rien avec moi, Page. » répliqua le baron avec une brusquerie marquée. « Cependant, je vois en vous un reflet de ma propre jeunesse. Sir Edhe, pouvez-vous me dire d’où vous venez avant de devenir un homme de Sigle ? »
« J’étais le seigneur cadet de Sangreblanc, une famille noble du lointain nord de Rythe. » répondit Edhe avec une dignité calme.
« Palyr de Sangreblanc est donc votre père. Vous avez hérité de ses yeux. Votre famille est aussi noble que la mienne, et votre père jouissait d’une renommée qui dépasse la nôtre. »
« Je n’ai plus le titre de seigneur, Messire. » précisa Edhe, sa voix trahissant une légère mélancolie.
« Je le sais bien. L’ordre de Sigle doit sa gloire à ma générosité. Je connais les règles de l’ordre comme si je les avais établies moi-même. Cependant, maître paladin, si vous êtes la moitié de l’homme que fut votre père, vous êtes sans aucun doute digne de ma fille. »
Edhe, visiblement surpris, demanda :
« Fut, dites-vous ? »
Le baron, semblant réaliser le malentendu, clarifia :
« Votre père est décédé il y a deux hivers. Vous n’étiez pas au courant de cette nouvelle ? »
Edhe baissa les yeux, un voile de tristesse traversant son regard. Le baron posa une main réconfortante sur son épaule.
« Venez à Verathia lorsque vous aurez fait votre deuil, jeune paladin. Je souhaiterais en apprendre davantage sur vous et ainsi pouvoir prendre ma décision. »
***
La route menant à leur quête était d’un calme rare, un silence étrange régnant entre les deux hommes. Le paladin, dont l’euphorie d’avoir aperçu un ange s’était brusquement dissipée face à la nouvelle de la mort de son père, errait dans ses pensées avec un trouble évident. Albérion, sur sa monture, le regardait de loin, observant les tourments qui assombrissaient l’esprit de son ami. Le ciel, autrefois dégagé, avait laissé place à un voile de nuages gris, recouvrant les rayons du soleil et plongeant le monde dans une lumière mélancolique. Les grondements lointains d’un orage ajoutaient une note de tristesse, comme si le ciel lui-même reflétait l’état d’âme du paladin.
« Tu savais ? » demanda Edhe d’une voix tremblante, la question flottant dans l’air avec une légèreté presque spectrale.
Albérion fit avancer sa monture jusqu’à la hauteur de celle de son ami avant de répondre d’une voix lourde de tristesse.
« À ton avis ? » répliqua Albérion, son regard se perdant dans l’immensité orageuse au-dessus de leurs têtes.
« L’ordre du Sigle t’aurait certainement recommandé de ne rien me dire, si tu étais au courant. Tu as suivi les directives de l’ordre, je le sais. Cependant, un véritable ami aurait partagé cette information. Alors, je te pose la question différemment : es-tu réellement mon ami ? »
Albérion arrêta sa monture, tirant fermement sur les rênes pour la faire se dresser.
« Tu as l’âme d’un grand chef, Edhe. Mais dans ton esprit de paladin, les choses sont noires ou blanches. Un grand chef doit aller plus loin dans son raisonnement. Est-ce que cacher la vérité, non pas pour le bien de l’ordre, mais pour protéger un ami d’une douleur inutile afin de l’aider à atteindre ses objectifs, est un acte d’amitié véritable ou une trahison ? Toi seul peux répondre à cette question. Mais ne me fais pas l’affront de me catégoriser aussi facilement entre traître et ami. »
Edhe demeura silencieux, laissant avancer sa monture avec un regard fixé sur l’horizon. Sa maîtrise de soi était totale, une façade de sérénité dissimulant les tumultes intérieurs. Albérion, face à ce silence glacial, se retrouvait déconcerté. Le cheval d’Edhe s’arrêta à son tour, et Albérion, voyant cela comme un signe positif, suivit le mouvement. Il observa le bras d’Edhe se tendre en direction d’une lointaine colonne de fumée.
« C’est un village que nous devons protéger ? » s’écria Edhe, tirant vivement sur les rênes de son cheval comme s’il s’apprêtait à fondre sur la scène du désastre. La monture se cabra sous la pression.
« Oui, exactement, Edhe. » répondit Albérion, son ton grave trahissant l’urgence de la situation.
« Ils doivent être attaqués ! En avant ! » ordonna Edhe, ses yeux brillants d’une détermination farouche. Les deux chevaux s’élancèrent au galop, fonçant vers le village avec une hâte désespérée. À mesure qu’ils traversaient la forêt dense, les bruits de pillage et les cris de détresse se faisaient de plus en plus distincts, résonnant comme une sinistre symphonie à travers les arbres.
Lorsque les deux hommes émergèrent enfin de la forêt, le tableau qui s’offrit à eux était celui d’un petit village en proie au chaos. Une dizaine de maisons se dressaient, parsemées de flammes et de décombres. La scène de destruction était évidente, la violence de l’assaut était manifeste. Le corps d’une femme et de son enfant, abattus avec une cruauté implacable, gisait à l’entrée du village, leurs dépouilles marquées par la brutalité des assaillants.
« Devons-nous appeler des renforts ? » cria Albérion, cherchant à élever sa voix au-dessus du tumulte.
Bien qu’ils n’aient jamais encore pris part à un véritable conflit, les deux hommes étaient prêts. Leur entraînement rigoureux et leur dévouement les avaient préparés à ce genre de moment. Ils n’éprouvaient aucune peur ; leur mission était claire. Edhe saisit son Heaume accroché à la selle de sa monture avec une précision calme. Il le plaça sur sa tête d’un geste méthodique, puis tourna un regard résolu vers Albérion.
« Il sera trop tard pour les habitants si nous n’intervenons pas maintenant. » répondit Edhe avec une gravité implacable. La lame du paladin se libéra de son fourreau dans un écho résonnant, un son qui semblait marquer le début d’une bataille.
Le cheval d’Edhe reprit sa course effrénée, ses sabots frappant le sol avec une cadence sauvage qui résonnait dans l’air chargé de fumée. Il traversa la cour du village d’un galop déterminé, son cavalier baissant la tête pour éviter les branches basses des arbres calcinés. Les cris déchirants des villageois, mêlés au fracas des incendies, formaient une symphonie lugubre qui accentuait l’urgence de leur mission.
À mesure qu’ils approchaient du cœur du village, le chaos se déployait dans toute son horreur. Les maisons, jadis havres de paix, étaient désormais des braseros rugissants. Le feu se déchaînait avec une fureur dévorante, les flammes léchant le ciel nocturne et projetant des ombres dansantes sur les ruines calcinées. Les murs, noircis par la suie, étaient parsemés de fissures béantes, comme si la terre elle-même avait été déchirée. L’air était saturé d’une odeur âcre de bois brûlé et de chair carbonisée.
Les corps des villageois jonchaient le sol en un macabre mélange de couleurs et de formes, éparpillés de manière aléatoire parmi les décombres. Leurs visages, figés dans des grimaces de douleur et de terreur, racontaient l’histoire d’une violence inouïe et impitoyable. Les effluves de la scène faisaient écho à un carnage qui semblait avoir englouti toute trace de vie et d’espoir. L’horizon était parsemé de silhouettes fantomatiques, déformées par les ombres créées par les flammes dansantes.
En pénétrant dans la place centrale, Edhe découvrit l’endroit où les villageois avaient dû célébrer une fête désormais ternie par le sang et la destruction. Au milieu de la place, une grande table en bois, couverte de festons et de guirlandes, était désormais renversée et maculée de sang. Les débris de la table se mêlaient aux corps inanimés qui s’étendaient en désordre, leurs membres entrelacés dans une tragédie silencieuse. Les visages des défunts étaient figés dans des expressions de terreur et de douleur, leurs yeux vides reflétant la lumière vacillante des flammes.
Soudain, la scène fut interrompue par l’apparition d’un homme émergeant d’une maison en chaume, ses vêtements déchirés et souillés de cendres. Il traînait derrière lui une femme par les cheveux, le visage déformé par la souffrance. La démarche lente et nonchalante de cet homme contrastait avec la brutalité du tableau environnant. D’une stature imposante et d’un air menaçant, il semblait savourer chaque instant de sa victoire sinistre, son regard cruel s’illuminant à la vue du chaos autour de lui.
Edhe descendit de sa monture avec rapidité et détermination, l’arme à la main. Lorsque le pillard le remarqua, il lâcha la femme et fit un pas en avant, ses traits transformé par une rage sanguinaire.
« Tu en veux aussi ? » hurla le pillard, son regard fouillant les ténèbres de la destruction autour de lui.
Edhe leva sa lame et lança un coup horizontal vers le pillard, qui parvint à parer le coup avec une agilité surprenante. Le choc des armes résonna, et le bandit, bien que repoussé, reprit l’offensive avec une nouvelle attaque fendue. Edhe bloqua cette attaque avec une maîtrise ferme, puis trancha d’un coup net le genou du pillard, qui tomba en hurlant de douleur. Alors que le pillard tentait de se traîner au sol, Edhe dégaina une dague et, d’un geste précis, trancha la gorge de son adversaire, mettant fin à son agonie dans un jet de sang.
Albérion s’affairait à guider une jeune femme terrifiée, lui ordonnant de se réfugier dans les maisons pas encore dévorées par les flammes. Le feu crépitait autour d’eux, projetant les ombres mouvantes des pillards qui surgissaient des ténèbres.
« Fichtre, il a eu Huber ! » s’écria un larron, l’angoisse perçant dans sa voix.
De son côté, Edhe nettoyait le sang de sa dague sur sa tunique avant de la ranger et de saisir à deux mains son épée longue, couverte du sang de son dernier adversaire. Avec une détermination féroce, il se lança dans la mêlée. Les pillards étaient une dizaine, mais beaucoup semblaient peu enclins à se battre, préférant attaquer des cibles plus vulnérables.
Le premier coup d’Edhe fut d’une rapidité déconcertante, la lame perçant la cote de maille de son adversaire avec une facilité brutale. Le bandit n’eut guère le temps de pousser un cri avant que la lame d’Edhe ne le traverse de part en part. D’un geste rapide, Edhe retira son arme du corps tuméfié et se précipita sur une autre cible. Un pillard tenta de profiter de la distraction pour attaquer Edhe par derrière avec une pique, mais un bouclier invisible brisa la lance en un éclat assourdissant. Albérion, à quelques mètres, avait incanté une protection magique, son livre flottant devant lui et ses yeux brillants d’une lumière surnaturelle. Chaque formule était prononcée avec une précision et une foi inébranlables.
« Tuez le faiseur de lumière avant le soldat ! » ordonna un pillard, et deux assaillants se dirigèrent vers Albérion.
En réponse, un rayon jaune éclatant jaillit de la main d’Albérion. L’un des attaquants, se protégeant derrière un bouclier, fut frappé de plein fouet. Le métal fondit sous la puissance du sort, et l’homme s’effondra, un trou béant à la place du cœur. Mais Albérion n’eut pas le temps de célébrer sa victoire, car un autre pillard se précipita sur lui.
La menace fut brusquement neutralisée lorsqu’une lame surgit de nulle part pour transpercer l’assaillant. Edhe, en un acte de bravoure et de solidarité, avait lancé son épée pour protéger son compagnon. Les regards des deux hommes se croisèrent un instant, une compréhension silencieuse et profonde s’établissant entre eux. Dans cette lutte désespérée, leur union était leur force, chaque geste et chaque sort renforçant l’autre dans un ballet de bravoure et de magie.
Edhe, d’un regard implacable, se préparait à faire face à cette nouvelle menace, conscient que chaque instant comptait dans cette danse macabre. Le destin du village et de ses habitants reposait désormais entre ses mains, et le paladin était prêt à tout pour restaurer un semblant d’ordre dans ce chaos déchaîné.
Alors qu’Edhe se retrouvait désarmé, il dégaina rapidement sa dague pour parer une nouvelle attaque. Avec un coup de pied puissant, il propulsa un assaillant contre une maison en flammes, où il s’effondra en grognant. La mêlée faisait rage autour de lui, et malgré la perte de sa lame, Edhe parvenait encore à tenir en respect ses adversaires. Cependant, la fatigue commençait à se faire sentir, et son efficacité avec la dague semblait diminuée.
Albérion, quant à lui, se battait avec férocité, sa magie amplifiant l’efficacité de ses actions. Il vit l’occasion de soutenir Edhe et lança la lame d’Edhe, plantée dans le corps d’un ennemi, en la faisant léviter avec un geste de sa main. La lame scintillait dans l’air, virevoltant avant de se diriger avec une précision fatale vers un des pillards entourant Edhe. Le paladin récupéra sa longue épée du corps de l’homme abattu avant même que celui-ci ne touche le sol. Dans un tourbillon de mouvements maîtrisés, il faucha la chair de deux autres adversaires, sa lame glissant avec une aisance meurtrière.
Alors qu’Albérion affrontait un pillard avec son épée, Edhe se retrouvait désormais seul contre quatre assaillants. L’un d’eux parvint à le frapper au casque, fissurant légèrement le fer et déformant le métal. Edhe, furieux, arracha son casque et balaya la scène de son regard déterminé. Le bruit des épées s’évanouit un instant, laissant place au souffle lourd des combattants, et aux craquements des flammes dévorantes. Edhe, ses yeux brûlants de concentration, reprit l’assaut.
Les pillards, espérant un répit, furent brutalement confrontés à la furie renouvelée d’Edhe. Sa lame, dansant au rythme d’un ballet mortel, éclata en une symphonie de coups et de parades. Chaque mouvement était une démonstration de puissance et de technique, une chorégraphie parfaite façonnée par des années d’entraînement.
Edhe se déplaçait avec une rapidité fulgurante, ses jambes fléchissant et se redressant avec fluidité, comme un danseur prêt à se lancer dans un enchaînement de pas complexe. Ses attaques étaient d’une force dévastatrice : chaque coup de son épée était un grondement tonitruant, chaque parade une démonstration d’une maîtrise inégalée. Les pillards, bien que déterminés, se retrouvaient rapidement en désavantage. Ils reculaient, vacillants sous la pression incessante des coups d’Edhe.
Sa lame se mouvait avec une précision implacable, tranchant à travers les armures et les chairs. Le sang jaillissait en éclats violents, marquant le sol de taches rouges alors que les assaillants se débattaient, leurs cris de douleur se mêlant au cliquetis des armes. Le ballet meurtrier d’Edhe était implacable : un coup de taille horizontale faisait tomber un ennemi, un coup vertical faisait reculer un autre, et chaque mouvement était parfaitement synchronisé avec ses respirations, un rituel de combat sans faille.
Alors que la fatigue commençait à ronger les pillards, leur coordination se délitait. Un des hommes, baissant momentanément sa garde, reçut un coup de coude d’Edhe avec une brutalité précise. Le pillard vacilla sous le coup et fut projeté en arrière. Avant qu’il ne puisse se rétablir, Edhe se tourna rapidement vers lui, sa lame fendant l’air avec une fluidité calculée. Il trancha le bras du pillard avec une précision clinique, le coup coupant net à travers l’armure et la chair. L’assaillant hurla de douleur et s’effondra, sa lame tombant au sol avec un bruit métallique lourd.
D’un coup sec et implacable, Edhe trancha l’air avec une précision d’acier, sa lame étincelante dessinant une trajectoire fatale. L’épée, un prolongement de sa volonté, coupa à travers l’espace avec une force qui semblait défier les lois de la nature. Le mouvement, à la fois fluide et décisif, ne laissa place à aucun doute : il atteindrait son but.
La lame, aiguisée comme une dent de dragon, rencontra le cou du larron dans un éclat de lumière. Le métal mordit profondément dans la chair, déchiquetant les muscles et les tendons en un instant. Un bruit distinct, à la fois perçant et tragique, se fit entendre, comme un sifflement d’air coupé. La tête du pillard se détacha lentement, en une danse grotesque, avant de tomber au sol avec un bruit sourd, roulant parmi les débris du champ de bataille.
L’espace autour d’Edhe se dégageait peu à peu, la terreur et la brutalité de ses attaques brisant le moral de ses ennemis. Les derniers adversaires, voyant la mort de leurs camarades et la détermination implacable d’Edhe, commencèrent à reculer, laissant le paladin victorieux sur le champ de bataille ensanglanté.
Edhe tourna sa lame avec une élégance menaçante, nettoyant le sang encore frais des précédents combats avant de reprendre sa garde. Ses adversaires, pris de panique, commencèrent à fuir à toutes jambes, abandonnant le village à leur sort. En même temps, Albérion, bien qu’en pleine maîtrise de ses sorts, peinait à tenir tête à son assaillant. Le duel à l’épée n’était pas son domaine de prédilection, et chaque coup porté contre l’homme était une épreuve de courage et de résolution, d’autant plus difficile étant donné le contexte.
Profitant de la confusion, Edhe se glissa derrière le dernier pillard. D’un mouvement précis, il trancha le creux poplité de l’homme, faisant tomber ce dernier au sol, les muscles de ses genoux sectionnés. Alors qu’Edhe se préparait à porter le coup fatal, Albérion intervint, sa voix empreinte de calme mais ferme :
« Il sera plus utile vivant que mort. »
Les paroles d’Albérion résonnèrent dans l’esprit d’Edhe, perturbant sa concentration. Tremblant malgré la maîtrise apparente du combat, une rage sourde bouillonnait en lui. Jamais auparavant il n’avait ôté la vie, et pourtant il l’avait fait avec une aisance presque surnaturelle. Ce paradoxe l’ébranlait profondément. Edhe, malgré son expertise reconnue en joute armée, un domaine où il surpassait même des maîtres renommés comme Golfield, ressentait une dissonance intérieure. Le poids des vies prises pesait lourd sur ses épaules.
Il desserra le poing entourant son épée, et fit un pas en arrière pour respirer profondément. Il se pencha en avant, son cœur battant la chamade, la sueur ruisselant le long de son visage. Ses muscles étaient tendus, chaque fibre de son être vibrant sous l’effort intense. Il essuya son visage, cherchant à retrouver son calme dans le tourbillon émotionnel qui le submergeait.
Les premières gouttes de pluie commencèrent à tomber, et bientôt une pluie battante s’abattit sur le village en flammes, éteignant peu à peu les feux dévorants et enveloppant le champ de bataille d’une brume sombre et saturée. Les cris des villageois se perdaient sous le rugissement de l’averse, tandis que les survivants, en nombre réduit, pleuraient la perte de leurs proches : pères, mères, enfants.
Face à ce tableau de dévastation, les deux hommes ne purent masquer leur émoi. Bien qu’ils fussent parfaitement conscients des dangers du monde, la différence entre la théorie et la réalité était maintenant poignante. Les livres ne pouvaient capturer la brutalité de la vérité qu’ils venaient de vivre. Ils restèrent là, dans la pluie froide et l’obscurité croissante, absorbés par la réalité de la souffrance et du désespoir qui les entourait.
Edhe, à genoux, s’appuyait sur le pommeau de son épée, regardant fixement le chaos environnant. Une rage nouvelle, sauvage et indomptable, embrasait son esprit. Il était confronté à une vérité déconcertante : la dure réalité de l’impuissance face à la souffrance et à la cruauté du monde. Le monde n’était pas simplement noir ou blanc, et les belles paroles de l’idéal chevaleresque avaient laissé place à une réalité terrifiante. Dans son dos, le pillard blessé, encore agenouillé, suppliant Albérion de lui accorder la vie, exacerbait la colère d’Edhe. Les supplications de l’homme, réclamant de la pitié, enflammaient la rage d’Edhe.
Se redressant lentement, Edhe se sentait comme si le poids de son propre corps avait soudainement doublé. D’un geste décidé, il souleva le pillard et le plaça contre une porte en bois, plantant son épée et sa dague sous ses aisselles, le tranchant de ses armes pointé vers ses bras déchirés. L’homme, incapable de soutenir son poids, se suspendit aux lames, ses cris de douleur résonnant dans la nuit.
« Dis-moi qui est ton chef ? » exigea Edhe, sa voix empreinte de détermination.
L’homme, pris de douleur, implora de l’aide, mais Edhe pressa davantage sur ses épaules, enfonçant les lames dans ses aisselles. Les cris devinrent plus aigus et désespérés. Albérion observait derrière Edhe, un regard qui révélait une approbation froide. En réalité, il aurait souhaité une peine encore plus sévère pour le pillard, bien que tous deux savaient qu’il était temps de reprendre leurs esprits. Malgré l’aura lumineuse de l’ordre du Sigle, les paladins n’étaient pas des âmes délicates ; leur mission sacrée autorisait les moyens les plus rudes pour atteindre leurs fins. La torture était un outil accepté pour obtenir des informations cruciales.
Dans les ruines embrumées par la fumée, Albérion attrapa un morceau de bois encore incandescent et le tendit à Edhe. Sans se poser de questions, Edhe appliqua les braises brûlantes contre le visage de l’homme, provoquant un cri de douleur inhumain. Il arracha ensuite ses lames de la porte, laissant le pillard mutilé tomber au sol. Saisissant les cheveux de l’homme, il lui redressa la tête et murmura avec une froideur déterminée :
« Regarde ce que tu as fait à ces villageois. » Puis, d’un coup sec, il écrasa la tête de l’homme contre le sol, avant de poursuivre avec une intensité glaciale : « Maintenant, regarde celui qui détient ton destin. Il sait qui tu es, et ainsi je saurai qui est ta famille. Je leur ferai subir le même sort que celui que tu as infligé aux villageois. Par Paragone lui-même, je te promets un châtiment encore plus terrible. »
Edhe laissa le corps de l’homme s’enfoncer dans la boue, la pluie battante le transformant en une masse informe et gorgée d’eau. À la grande surprise d’Edhe, le pillard éclata de rire, découvrant des dents gâtées.
« Je n’ai ni famille… »
Avant qu’il ne puisse finir sa phrase, Edhe transperça la main de l’homme avec sa lame. En tournant la lame, il augmenta encore la douleur. L’homme frappa le sol de sa main libre, répétant qu’il allait parler. Edhe enfonça davantage sa lame :
« Parle alors, qui t’a enrôlé ? » ordonna Albérion.
L’homme, haletant et épuisé, souffla avec ses dernières forces : « C’est le Seigneur d’Epine. »
Les deux paladins échangèrent un regard lourd de signification. Le nom n’était pas étranger pour eux ; le Seigneur d’Epine était une figure clé pour l’ordre du Sigle. Ce seigneur, puissant et manipulateur, semait la discorde parmi les royaumes, menant des escarmouches pour affaiblir les forces en présence et renforcer ses propres terres tout en restant insaisissable. Sa position en tant que neveu du roi lui conférait une impunité relative, et la complexité de la politique le protégeait de nombreuses répercussions.
« Pourquoi le Seigneur d’Epine attaque-t-il ces terres ? » demanda Edhe.
« Il souhaite terroriser les habitants pour se présenter comme un sauveur et ainsi accroître son territoire. » répondit le pillard.
« Des guerres de territoire pendant que l’armée du Roi est décimée à l’ouest par les sylvestres, c’est bien le genre d’homme que nous connaissons. » soupira Albérion.
Edhe rangea sa lame dans son fourreau et se tourna vers Albérion. « L’ordre doit être informé de cette perfidie. Une quête se termine, et une autre commence. Mais il ne sera pas facile de défaire le Seigneur d’Epine, surtout avec son statut de neveu du roi. »
Albérion observa les alentours dévastés. « Nous nous mettrons au service de l’ordre. Quant à lui ? » demanda-t-il en désignant l’homme encore gémissant.
« Les villageois ont droit à leur vengeance aussi. » répondit Edhe en direction d’un jeune homme pleurant la perte de ses proches.
Alors que la pluie continuait de battre, les deux paladins s’éloignèrent, laissant derrière eux les échos des hurlements de douleur du pillard et les vestiges d’un village dévasté. Ce jour-là, les révélations et les réalités se succédèrent, mais un paladin doit poursuivre sa route, accomplir sa quête, quoi qu’il en coûte. La révélation des intentions du Seigneur d’Epine était une vérité amère, et la tâche de l’ordre était maintenant de déjouer les plans d’un ennemi redoutable, tout en affrontant les défis et les souffrances de leur propre chemin.
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