Chapitre 2 - La prophéthie

Prenez le temps de vous installer confortablement ☁️, préparez-vous une boisson réconfortante ☕et laissez-vous transporter. Pour une immersion totale, et lancez l'album Ordalie, spécialement conçu pour accompagner votre lecture.

Vous êtes prêt(e) ? Plongez dans les premières pages d’Ordalie Origine – Tome 1, et laissez la magie opérer. ✨

Bonne lecture, et n’hésitez pas à partager vos impressions ! 👇🏻

Chapitre II

L’appel aux armes

Plusieurs années plus tard…

« Le sangreblanc est la seule fleur qui pousse sur nos terres, et elle incarne à la fois douceur et beauté. Ses pétales d’un blanc immaculé rivalisent avec les plus pures des neiges, éclatant d’une beauté sans pareil. En son cœur, un vert flamboyant brille, rappelant la couleur des yeux de tous les membres de votre famille. Cette fleur magique, en plus d’être un symbole de grâce, possède des propriétés curatives incroyables, capables de guérir les blessures les plus graves et de renforcer les esprits fatigués. Ses racines s’enfoncent profondément dans le sol, tirant de la terre gelée une énergie mystérieuse qui confère à la fleur son pouvoir exceptionnel. Elle est non seulement le nom de vos terres et de votre famille, mais aussi le symbole de votre héritage et de votre destinée, garçons. »

Le vieux sage, empreint de respect et de révérence, maniait délicatement la fleur devant les deux jeunes frères, Marwyy’n Sangreblanc et son cadet de quelques années, Edhe Sangreblanc. Les deux garçons fixaient la fleur et écoutaient attentivement le sage bien-aimé de leur ville, captivés par ses paroles pleines de sagesse et de mystère.

À cette saison, comme à toutes les autres, la ville de Sangreblanc est enveloppée d’un manteau de neige étincelant. Mais en hiver, la neige monte jusqu’aux genoux, ajoutant une majesté particulière aux paysages. Les lacs gelés scintillent sous la lumière du soleil, leurs surfaces lisses et miroitantes ressemblant à des miroirs géants. Les arbres, alourdis par les stalactites de glace, se dressent comme des sentinelles figées dans le temps, leurs branches formant des arcs élégants au-dessus des sentiers enneigés.

La beauté sauvage de Sangreblanc est accentuée par les montagnes imposantes qui encadrent la vallée, leurs sommets couronnés de neige éternelle. Les rivières gelées serpentent à travers les forêts de pins, créant des chemins de glace où les enfants s’amusent et où les patineurs glissent gracieusement. Les animaux, adaptés à ce climat rigoureux, ajoutent à la magie du paysage, leurs empreintes fraîches dans la neige racontant les histoires secrètes de la vie hivernale.

Sangreblanc vit principalement de l’exportation de minerais extraits des nombreuses mines qui creusent les entrailles de la terre. Les veines riches en métaux précieux ont permis à la ville de prospérer, ses trésors amassés par les guerriers intrépides de Sangreblanc ajoutant à sa renommée et à sa richesse. Les forges résonnent du bruit des marteaux frappant le métal, façonnant les armes et les outils qui sont ensuite échangés contre des denrées rares et des luxes étrangers. Ainsi, malgré la rudesse de ses hivers et l’isolement de ses terres, Sangreblanc a su devenir une terre de richesse et de puissance, protégée par la force de ses habitants.

« Maître, parlez-nous de ce qu’il y a au-delà des montagnes. C’est un conte que vous m’aviez promis, caché jusqu’à ce jour malgré mon âge», dit Marwyy’n d’un ton respectueux, adossé contre un arbre, tandis que son frère, accroupi, se reposait sur le fourreau de son épée.

Le sage sourit timidement à la demande du jeune seigneur. «Il est vrai que nous fêtons aujourd’hui votre entrée dans l’âge adulte, seigneur Marwyy’n. Je gardais ce conte pour cette occasion. Les mystères de ce monde nous fascinent, et plus l’attente est longue, plus le plaisir en est grand. Tant de choses restent encore à découvrir pour vous et votre frère. Je me délecte de votre ignorance et je vous envie. »

Edhe se releva et prit la parole à son tour. « La nostalgie vous rend triste, Maître. Dois-je attendre deux années avant l’âge adulte pour connaître le mystère au-delà des montagnes ? »

« Nullement, jeune seigneur. Comme vous le savez, Sangreblanc est la terre la plus au nord du royaume de Rythe, nul homme n’est allé au-delà, car il y fait trop froid. Les températures y gèlent les doigts en un instant, transforment vos os en verre. Le froid mordant fait frissonner même les cœurs les plus braves. Les vents glacés sifflent à travers les vallées, portant avec eux des murmures anciens. Les nuits sont longues et sombres, illuminées seulement par les aurores boréales dansant dans le ciel. Mais d’après les conteurs, ce lieu, inaccessible aux hommes, est en vérité la demeure des dieux. C’est un pays merveilleux, plein de paysages enchanteurs, où les géants de glace et les oiseaux gigantesques volent librement dans les cieux. »

Le jeune Edhe réfléchit un instant avant de répliquer. « Si l’homme n’est jamais allé sur ces terres, qui sont ces fameux conteurs dont vous parlez ? »

Le sage s’approcha d’Edhe et lui posa la main sur l’épaule. « Qui sait ? Peut-être les dieux eux-mêmes. Ce sont des légendes transmises de sage en sage, génération après génération. Les livres seront notre héritage et leurs histoires nous rendront éternels tout comme les légendaires d’au-delà les montagnes. »

« Éternels comme mère ? » dit tristement Marwyy’n.

Le sage s’assit sur un banc de pierre, dont il retira la neige accumulée, tout en reposant délicatement son bâton. « Hélas, oui. La mort est un passage qui nous guette tous, la mort de votre mère est elle, bien trop précoce. Moi, je suis plus proche de la fin. Je vous ai vus naître, je vous ai enseigné ce que je savais, et un jour, ce sera à vous de transmettre ce savoir à vos enfants. »

« Merci, Maître, pour vos enseignements et car nous pouvons aborder le sujet de mère en votre compagnie. Tout ceci est réconfortant. » dit Marwyy’n en fixant la châtellerie visible au loin.

Le sage comprit ce que le jeune seigneur voulait évoquer. Il fronça les sourcils et reprit courageusement

« Ne soyez point trop sévères avec le seigneur Palyr, votre père. Son amour ne va qu’à vous deux, mais les épreuves du monde l’ont marqué si profondément qu’il n’a plus la force de l’exprimer », dit le sage avec une voix empreinte de compassion.

Edhe, plongé dans ses pensées, murmura : « Nous le savons, Maître. Marwyy’n et moi-même déplorons de ne pas avoir de parent présent. Notre père est là, mais son esprit est ailleurs. »

Le sage soupira en signe de compréhension. « La mort de votre mère, emportée par le froid cruel, fut un événement terrible. Il n’a même pas pu lui dire adieu, car il était à l’autre bout du monde, combattant les féroces sylvestres des forêts de l’ouest. Il est revenu changé, comme tant d’hommes. La guerre et la perte d’un être cher transforment un homme. Je prie Paragone chaque jour pour que vous n’ayez jamais à subir pareil destin. »

Le sage semblait préoccupé et fatigué en prononçant ces mots, puis il se mit à tousser.

« Maudit froid ! » répliqua Edhe, tout en sortant un torchon de sa poche.

Marwyy’n serra le pommeau de son épée. « Maudis plutôt les sylvestres, mon cher frère. Ils sont bien la cause de nos malheurs. Un jour, j’espère avoir la chance d’en occire un de ma lame. » dit-il avec fougue.

Le sage, ayant fini de tousser, leva la main en signe de protestation. « Ce sont des êtres d’exception. Ils s’entraînent depuis des temps immémoriaux à l’art de la guerre. On dit souvent qu’un combattant sylvestre en vaut dix de notre race. Malgré vos exercices réguliers et le sang de votre père qui coule dans vos veines, vous ne seriez de taille à en tuer un à ce jour. »

Edhe s’étonna de ce discours quelque peu dépréciatif. « Mais Maître, comment notre père a-t-il remporté des batailles alors ? »

« Au prix de trop nombreuses vies. Cette guerre n’aura pour fin que l’ultime défaite d’une race. Mais grâce à Paragone et à l’ensemble des dieux euphoridiens, ce jour ne sera pas celui des hommes. »

« J’y veillerai. », affirma Marwyy’n.

« J’envie ta fougue, mon frère. La guerre ne me plaît guère, bien que j’en reconnaisse la nécessité. L’homme est capable de plus, tout comme les sylvestres, j’en suis certain... » répliqua Edhe avant d’être interrompu.

« Blasphème, mon frère ! Les sylvestres ne sont bons qu’à devenir des arbres une fois morts ! J’aspire à agrandir les forêts de leurs cadavres. Ne leur concède pas l’intelligence, c’est leur faire trop d’honneur. » grogna Marwyy’n.

Le sage se leva à l’aide de son bâton et fit un geste en direction de l’aîné. Marwyy’n se tut immédiatement, baissant la tête. « Vous êtes frères, si différents mais tant complémentaires. Marwyy’n, tu as le courage d’un guerrier, tu es né pour diriger. Toi, Edhe, tu as l’altruisme d’un sage malgré ton jeune âge, tu es né pour guider. À vos dix ans, vous aviez juré de vous protéger l’un l’autre du danger. N’oubliez jamais cette promesse. Les dieux en étaient témoins. On ne ment jamais aux dieux. »

Marwyy’n se calma et alla vers Edhe. « Pardonne-moi, mon frère. Tu sais combien je méprise les sylvestres. »

Edhe sourit chaleureusement. « Il n’y a pas de pardon à t’accorder, car il n’y a pas d’offense, si ce n’est de notre maître qui pense que tu es plus guerrier que moi. Nous savons tous deux que je suis meilleur épéiste que toi. »

Les deux frères se mirent à rire. Le vieux sage, contemplant ce tableau qui lui réchauffait le cœur, se remémorait avec fierté tout ce qu’il avait transmis à ces jeunes seigneurs. Sous son enseignement, ils avaient appris bien plus que la simple lecture et l’écriture ; ils avaient acquis une compréhension profonde des arts, des sciences et de la culture qui forment l’épine dorsale de leur civilisation.

Ils connaissaient les cartes du monde par cœur, chaque continent, royaume, et village étant gravé dans leur mémoire. Ils avaient étudié les histoires anciennes, les mythes et légendes, les récits des héros et des batailles d’antan. Ils comprenaient les stratégies militaires et les tactiques des grands généraux, non seulement des humains mais aussi des autres races, y compris les sylvestres qu’ils méprisaient tant. Ils savaient lire les étoiles pour naviguer, interpréter les augures et prédictions, et maîtrisaient les langues anciennes et étrangères pour pouvoir communiquer et négocier avec les peuples voisins.

Grâce aux maîtres d’armes, ils avaient appris l’art du combat. Marwyy’n avait développé une préférence pour l’épée et le bouclier, excellant dans les batailles rangées et les duels où la défense et l’endurance étaient primordiales. Edhe, de son côté, maniait l’espadon avec une certaine dextérité, préférant les attaques puissantes et rapides qui demandaient précision et force brute. Leur entraînement ne se limitait pas aux armes traditionnelles ; ils avaient également appris l’usage de l’arc, de la lance, et des diverses armes de siège.

Mais le sage leur avait aussi inculqué des compétences plus subtiles et tout aussi essentielles. Ils avaient appris l’art de la diplomatie, comment négocier des alliances, éviter les conflits, et maintenir la paix. Ils avaient étudié l’économie, la gestion des terres et des ressources, la gouvernance et l’administration d’un royaume. Ils savaient comment écouter leurs sujets, rendre la justice et inspirer la loyauté et le respect.

Le sage leur avait enseigné les vertus de l’honneur, du courage, de la compassion et de la sagesse. Il leur avait montré comment être de bons leaders, non par la peur et la force, mais par l’exemple et la sagesse. Ils avaient appris à apprécier la beauté du monde qui les entourait, à comprendre et respecter la nature et les créatures qui y vivent.

Sous sa tutelle, ils avaient acquis un sens aigu de leur héritage et de leurs responsabilités. Ils comprenaient que leur pouvoir venait avec le devoir de protéger et de servir leur peuple, de veiller sur les terres de Sangreblanc, et de maintenir les traditions et les valeurs de leur famille et de leur royaume.

Les jeunes seigneurs avaient été façonnés par les enseignements du sage, et bien que différents, ils étaient unis dans leur objectif commun de devenir les dirigeants dont leur peuple avait besoin. Marwyy’n, avec sa bravoure et son esprit martial, et Edhe, avec sa sagesse et son sens de la justice, formaient une équipe complémentaire.

***

Les trompettes de la châtellerie résonnèrent, annonçant le début des festivités en l’honneur du seigneur Marwyy’n. Le sage et les deux frères enfourchèrent leurs montures, et malgré son âge avancé, le sage montra une dextérité surprenante en montant sur son destrier.

À travers les forêts enneigées des terres de Sangreblanc, tous pouvaient admirer la beauté des lieux. Le lac bordant la châtellerie, gelé et brillant sous le soleil, ajoutait une touche de magie au paysage. La ville, enveloppée dans un duvet blanc de neige, était d’une rare splendeur. La châtellerie en bois, minutieusement sculptée jusqu’à la moindre planche, était la fierté de la famille Sangreblanc. Première demeure de la ville, elle se dressait majestueusement au milieu des autres maisons qui s’étendaient désormais sur plusieurs kilomètres.

Les maisons, construites en bois épais, arboraient des toits de chaume et de solides poutres, ornées de motifs entrelacés et de runes protectrices. Les bâtisses possédaient des portes imposantes et des fenêtres étroites pour se protéger des vents glacials de l’hiver. Chaque maison témoignait de l’habileté des artisans locaux, alliant robustesse et élégance.

Le grand jour était enfin là, et la fête promettait d’être une célébration sans pareille. Les deux jeunes seigneurs entrèrent dans la grande salle de la châtellerie, où l’ambiance du banquet était à son comble. Des guirlandes de fleurs suspendues au plafond ajoutaient des touches de couleur vive, contrastant avec les murs de bois sombre. Des torches brûlaient aux quatre coins de la salle, réchauffant l’atmosphère et créant un jeu de lumières et d’ombres dansantes.

Les longues tables de banquet, couvertes de plats abondants et de cornes à boire remplies d’hydromel, accueillaient les convives. On pouvait entendre les rires joyeux et les chants résonner, les voix se mêlant en une symphonie vivante. Des peaux d’animaux, étalées sur le sol, offraient une chaleur réconfortante sous les pieds des invités. Les enfants couraient, jouant autour des tables, tandis que les adultes échangeaient des histoires et des souvenirs.

Les murs de la salle étaient décorés de boucliers, d’armes et de bannières aux couleurs de Sangreblanc, rappelant la gloire et les victoires passées. Les bardes, assis près du foyer, entonnaient des chants épiques célébrant les exploits des ancêtres. Les flammes du feu central crépitaient, projetant une lueur dorée sur les visages des convives.

Les regards se tournaient vers Marwyy’n et Edhe, les jeunes seigneurs, dont la prestance et la dignité imposaient le respect. La salle entière était imprégnée d’une chaleur humaine, d’une fraternité qui transcendait le froid glacial de l’extérieur. La fête débutait, et chacun savait que cette nuit resterait gravée dans les mémoires comme une célébration de la vie, de la famille et de l’honneur de Sangreblanc.

Le seigneur des lieux fit son entrée avec une froideur incomparable. D’un pas léger, il s’assit sur son trône, un humble siège en bois de chêne qui contrastait avec l’opulence de l’assemblée. Les deux jeunes seigneurs, ainsi que l’ensemble des convives, s’inclinèrent en signe de respect. La musique s’éteignit un instant, laissant place à un silence solennel.

Le seigneur, d’apparence distraite, portait sur lui les marques du temps. Ses traits, marqués par l’âge, lui donnaient un air fatigué. Sa tête n’était pas ornée de la couronne habituelle, et sa tunique de soie, bien que de qualité, semblait négligée, avec des fils décousus. Il se préoccupait peu de son apparence, préférant consacrer son énergie aux affaires cruciales plutôt qu’aux fastidieux protocoles de la cour. Cependant, son aura imposante lui conférait un respect inconditionnel de la part de son peuple.

Il leva la main pour saluer l’assemblée silencieuse à son arrivée.

« Où sont mes fils ? » s’écria-t-il.

Les deux jeunes seigneurs avancèrent vers lui, se frayant un chemin au milieu de la foule, avant de s’agenouiller devant le trône. Le seigneur se leva, révélant ses mains noircies par le labeur et une odeur de pierre et de terre. Il avait passé, comme à son habitude, de longues heures dans les mines, travaillant aux côtés des autres mineurs. Beaucoup disaient que frapper la pierre lui permettait d’oublier, ne serait-ce qu’un court instant, le poids du passé.

Il posa ses mains sur les épaules de ses fils et, pour une rare fois, laissa échapper un sourire.

« N’y a-t-il pas de plus grande fierté pour un père que de voir ses fils grandir ? » déclara-t-il.

Une servante s’approcha, portant une chope de cervoise et une couronne de fleurs. Le seigneur plaça la couronne sur la tête de son fils aîné et saisit fermement la chope. Il la leva en direction de l’assemblée, son regard brillant d’une fierté solennelle.

« Je déclare la fête en l’honneur de mon fils ouverte ! Mangez, buvez, dansez et riez, comme si c’était votre dernier jour ! »

L’assemblée éclata en acclamations, la musique reprit de plus belle, et la grande salle se remplit à nouveau des rires et des chants des convives. Les flammes des torches vacillèrent joyeusement, projetant des ombres dansantes sur les murs de bois sculpté, tandis que la fête battait son plein sous le regard bienveillant du seigneur et de ses fils.

La musique reprit avec une énergie renouvelée, les tambours résonnant à travers la grande salle. Les gens dansaient, et l’hydromel circulait généreusement parmi les convives. Les deux jeunes seigneurs, Marwyy’n et Edhe, se trouvaient au cœur de la foule, entourés de rires et de jeux. Le populaire jeu de cartes Shot, un passe-temps favori des terres du Nord, engageait les joueurs dans des duels de bluff. Mais le jeu de quilles restait le préféré des habitants de Sangreblanc, où il fallait renverser des quilles à l’aide de poids, le parquet portait les marques de nombreuses batailles amicales.

Le seigneur, assis seul sur son trône, semblait perdu dans ses pensées. Son regard vide trahissait une tristesse insondable, et malgré l’euphorie ambiante, il ne parvenait pas à se réjouir. Le chambellan de la châtellerie s’approcha pour l’encourager à profiter de la fête, mais un simple geste de la main fit comprendre à tous de le laisser en paix.

Pendant que la fête battait son plein, les deux jeunes frères enchaînaient les chopes de bière, entourés d’amis et de femmes. Soudain, tous les regards se tournèrent vers la scène où se tenait la chanteuse de la salle. Une barde rare, célèbre pour ses mots éloquents et sa voix enchanteresse, se prépara à chanter. Les instruments se turent, laissant place à l’écho mélodieux de sa voix douce et mélancolique.

« Sous les étoiles du Nord, où les vents chantent fort,

Se dresse une famille au cœur valeureux,

Les Sangreblanc, leur nom résonne encore,

Dans les sagas d’antan, leurs exploits merveilleux.

Oh, Sangreblanc, aux cœurs nobles et fiers,

Vos épées brillent comme la lueur des astres,

De génération en génération, à travers les âges,

Votre gloire et votre honneur restent intacts, jamais las.

Sur les champs de bataille, au gré des marées,

Les guerriers de Sangreblanc se sont levés,

Contre les sylvestres et les ténèbres du froid,

Pour défendre leur terre, leur peuple, leur foi.

Oh, Sangreblanc, aux cœurs nobles et fiers,

Vos épées brillent comme la lueur des astres,

De génération en génération, à travers les âges,

Votre gloire et votre honneur restent intacts, jamais las.

Les femmes de Sangreblanc, fortes et sages,

Ont tissé des légendes, des récits sans âge,

Leurs larmes et leur courage, mêlés au vent,

Portent les âmes des guerriers, loin devant.

Oh, Sangreblanc, aux cœurs nobles et fiers,

Vos épées brillent comme la lueur des astres,

De génération en génération, à travers les âges,

Votre gloire et votre honneur restent intacts, jamais las.

Dans les froides nuits d’hiver, où la neige est roi,

Le souvenir de la mère, douce comme la soie,

Guide les fils dans leur quête éternelle,

Pour honorer le passé, un avenir plus bel.

Oh, Sangreblanc, aux cœurs nobles et fiers,

Vos épées brillent comme la lueur des astres,

De génération en génération, à travers les âges, V

otre gloire et votre honneur restent intacts, jamais las.

Alors chantons pour les héros, les âmes immortelles,

Que leur mémoire vive à jamais dans nos cœurs,

Que les récits de Sangreblanc soient des étoiles nouvelles,

Dans le firmament de notre histoire, leur splendeur.

Oh, Sangreblanc, que votre nom soit sanctifié,

Dans les chants et les poèmes, à jamais glorifié. »

À la fin de sa chanson, un silence respectueux envahit la salle, comme si les convives avaient été transportés par les mots de la barde. Puis, d’un coup, l’assemblée éclata en applaudissements et acclamations, célébrant la chanteuse et son talent extraordinaire. Celle-ci rejoignit l’orchestre et entonna des airs plus légers et festifs.

« Voilà une bien jolie donzelle, mon frère. Pareille femme à mes côtés ferait de moi un homme heureux ! » s’écria Marwyy’n en dansant, ses mouvements suivant le rythme enjoué de la musique.

Edhe, une chope à la bouche et un poids du jeu de quilles dans la main, répondit avec un sourire : « Digne du grand et ô seigneur Marwyy’n Sangreblanc ! »

Les convives, enivrés par l’esprit de la fête, se mirent à crier en chœur : « Gloire aux Sangreblanc ! » suivi d’un «Cul sec ! » adressé à Edhe. Celui-ci, prenant une chope pleine, la vida d’une traite avant de lever fièrement son verre pour montrer sa réussite.

« Que les dieux nous bénissent tous ! » déclara Edhe avec fougue, la fête continuant de battre son plein sous les chants et les rires, dans la chaleur d’une soirée inoubliable.

La porte de la grande salle s’ouvrit légèrement, laissant passer une bouffée de froid glacial. Le chambellan se précipita à travers la foule en direction du seigneur des lieux. Il se pencha à son oreille pour lui chuchoter quelques mots, et le visage du seigneur se figea, ses sourcils se fronçant immédiatement. Se levant brusquement, il s’écria : « Silence ! »

Tout le monde s’immobilisa, interrompant leurs activités. Les deux frères échangèrent un regard interrogateur, cherchant à comprendre la raison de l’agitation de leur père. La ville entière s’était réunie dans la grande salle de la châtellerie, ignorant qu’une troupe d’hommes venait d’entrer dans la ville, à l’exception des gardes.

Dans le crépuscule naissant, une silhouette solitaire se dessinait sur le paysage enneigé. Vêtu d’une cape et d’une armure, le guerrier tenait fermement une épée, son tranchant reposant sur le sol gelé. Il était à la tête de sa troupe d’homme. Derrière lui, une armée de figures fantomatiques se dressait, toutes vêtues de capes et d’armures de piètre qualité, formant une forêt d’acier qui s’étendait jusqu’à l’horizon, perdue dans le brouillard et la neige tombante. Au-dessus de cette assemblée, un homme, certainement mort, était accroché à une croix en bois.

L’atmosphère était froide et sombre, la neige tombant sans relâche, recouvrant les arbres dénudés qui bordaient la scène. La lumière douce et diffuse suggérait le crépuscule, ajoutant une note de mystère à cette vision d’un autre temps.

Les convives sortaient peu à peu de la grande salle pour observer l’attroupement devant la châtellerie. Le seigneur de Sangreblanc s’avança et déclara d’une voix forte : « Je suis Palyr, seigneur et maître de Sangreblanc. Qui ose venir ici sans invitation ? » La question semblait déjà connaître la réponse, mais il voulait clairement faire comprendre que cette troupe de soldats n’était pas la bienvenue en ces lieux reculés.

La silhouette s’avança, révélant un tabard brodé d’une croix en argent. «Je suis Maître Paladin Golfied de l’Ordre du Sigle, émissaire du Roi de Solari et digne représentant de mon Ordre. Pardonnez-moi de vous déranger en pleine fête, mais ma mission est des plus sacrées.»

Les hommes qui l’accompagnaient semblaient épuisés par de longues heures de marche dans le froid rigoureux du nord. Le seigneur Palyr, remarquant leur état, savait qu’il aurait normalement proposé gîte et couvert, mais la troupe était trop nombreuse.

« Parlez sans détour, Maître Paladin. » répondit-il avec fermeté.

Le paladin, surpris par l’accueil glacial, sortit un parchemin qu’il décrocha de son ceinturon. Il le déplia délicatement sous le regard inquiet des habitants de Sangreblanc. La musique s’était tue, et l’on n’entendait plus que les éternuements des hommes qui accompagnaient le paladin.

« Gens de Sangreblanc,

Je me tiens devant vous aujourd’hui en tant qu’émissaire du Roi, porteur d’un message solennel en ces temps de guerre. La menace des sylvestres, nos anciens ennemis, s’étend à travers notre royaume, et le devoir nous appelle, nobles fils et filles de cette terre vaillante.

À tous les hommes en âge de porter les armes :

Vous êtes convoqués pour défendre notre patrie. Le Roi, en sa sagesse, a décrété que certains d’entre vous seront enrôlés dans l’armée royale, pour renforcer nos rangs et repousser l’ennemi. Vos épées, vos boucliers, votre courage seront les remparts contre les ténèbres qui menacent notre peuple. Vous servirez aux côtés des plus grands guerriers de notre temps, dans une cause qui transcende les générations.

Le Roi offre également une autre voie, celle de l’Ordre des Sigle. Cet ordre prestigieux n’est ouvert qu’à ceux dont la bravoure et la dévotion sont sans égal. Rejoindre les Parangons, c’est embrasser une vie de sacrifice et d’honneur, dédiée à la protection de notre royaume et à la préservation des valeurs qui nous sont chères. Vous serez les gardiens des mystères anciens, les défenseurs de la foi et les champions de la justice.

Soyez conscients des sacrifices qui vous attendent. La guerre n’est pas une épreuve légère ; elle forge les esprits et éprouve les corps. Vous laisserez derrière vous vos familles, vos foyers, pour un avenir incertain. Mais rappelez-vous que chaque pas que vous ferez sur le champ de bataille, chaque acte de bravoure, sera une pierre posée sur l’édifice de notre victoire. Vous serez les héros dont les bardes chanteront les louanges, les légendes vivantes de Sangreblanc.

Préparez-vous, rassemblez vos forces et vos esprits. Que la fierté de Sangreblanc coule dans vos veines comme un torrent de feu. Le Roi compte sur vous, votre terre compte sur vous, et les générations futures se souviendront de vos actes.

Que la bénédiction des dieux soit sur vous tous. Puissiez-vous trouver la force dans l’unité et la bravoure dans votre cœur. Levez-vous, hommes de Sangreblanc, et montrez au monde ce que signifie être un véritable guerrier de Rythe. »

Le paladin releva la tête du parchemin et, après une pause solennelle, le rangea avec soin. L’assemblée restait silencieuse, absorbant la gravité de ses paroles, alors que l’écho de son discours résonnait encore dans l’air glacial.

« Sachez, Seigneur Palyr, que le Roi est pleinement conscient des sacrifices que vous avez consentis au fil des ans. C’est pourquoi seuls les plus jeunes hommes seront réquisitionnés. »

Le seigneur Sangreblanc, visiblement troublé, scrutait les jeunes hommes autour de lui, mesurant l’ampleur de cette annonce. Son regard se posa sur ses fils, comprenant la dureté de la demande.

« Seigneur Palyr, il en va de même pour vos fils. Le Roi vous accorde une attention particulière. Seul votre fils cadet sera enrôlé, ainsi votre aîné pourra vous succéder sans craindre pour sa vie sur le front. »

Edhe comprit immédiatement la gravité de la situation, un frisson de peur parcourant son échine qu’il s’efforça de dissimuler. Les femmes et les mères, bouleversées, commencèrent à exprimer leur mécontentement. Marwyy’n, quant à lui, semblait déçu de ne pas pouvoir participer à la guerre. Palyr fixa le casque de l’émissaire avec une intensité palpable.

« N’ai-je donc donné assez à la couronne pour que l’on me demande encore davantage ? Comment osez-vous me prendre encore plus ? » s’écria-t-il d’une voix empreinte de gravité.

Le paladin se redressa et fit trois pas en avant pour se faire entendre clairement. « Si vous refusez la réquisition, vous tournez le dos au Roi lui-même et à votre propre lignée. Ne faites pas l’erreur du Seigneur de Crypre, dont le corps pend là-bas sur la croix des pleutres. »

La menace était claire, et Marwyy’n dégaina son épée avec une détermination farouche. « Personne ne menace mon peuple en ces lieux ! » cria-t-il, sa voix résonnant avec force.

Le père des jeunes seigneurs fit un geste pour signifier à son fils de rabaisser la lame. « Soit. » répondit-il d’une voix lasse.

Le manque de réaction face à la menace exacerba la colère de Marwyy’n. Edhe, bien que résolu, semblait déjà prêt à affronter son destin.

« Très bien, nous partirons dans l’heure. Nul besoin de s’encombrer de bagages, une tunique leur sera fournie. Nous marcherons toute la nuit pour atteindre le fort de Castelbrok au matin, où se tiendra la sélection de l’Ordre. » répliqua l’emissaire.

Les mots de l’émissaire résonnèrent dans l’esprit de Palyr. Celui-ci s’avança doucement vers son fils, tandis que les autres jeunes hommes étaient arrachés à l’étreinte de leurs parents. Certains pères, désespérés, tentèrent de se substituer à leurs enfants, mais les soldats refusèrent catégoriquement.

« Je ne vais pas te mentir, fils. Je savais que je ne pourrais pas vous préserver tous les deux de la guerre. »

Edhe prit une profonde inspiration au milieu de ses craintes. « Je suis prêt, père. J’ai été préparé pour ce jour. Je n’ai pas peur de la mort. Je ferai honneur à notre famille, je te promets de revenir en héros, tel que tu l’es. »

Le père sembla agacé par ces mots. « Crains la mort autant que moi, concentre-toi uniquement sur ta survie. Je préfère te savoir en vie plutôt que glorifié mais mort. Il n’y a pas de héros dans cette guerre. »

Ces rares mots de sincérité surprirent Edhe profondément. « Acquiesce, fils ! » s’écria-t-il avec une autorité douce mais ferme.

Edhe acquiesça d’un signe de tête. Sous le porche de la châtellerie, tout semblait irréel. Comment un moment aussi joyeux pouvait-il se transformer en un tel tourment ? Le vieux sage s’approcha avec difficulté, tandis qu’un soldat lui tendait une tunique commune aux autres membres de la troupe, sans le respect habituel dû à un seigneur.

« Mettez cela. » dit le soldat, sans cérémonie.

« Seigneur Edhe, il est temps pour vous de commencer à écrire votre propre histoire. Je suis fier d’avoir été votre mentor, mais ma tâche se termine ici. Avec le cœur lourd, je vous dis adieu. » dit le sage.

« Tout va si vite, Maître. » répondit Edhe, le regard perdu dans le vide, tout en enfilant sa tunique sous la neige qui tombait.

« Je sais, Seigneur. Paragone veille sur vous et votre famille. N’ayez crainte. »

Son frère aîné l’enlaça avec force. « À la différence du vieux fou qui nous fait des leçons, ce n’est qu’un au revoir, petit frère. Si quelqu’un peut revenir, c’est toi. Le meilleur épéiste de nous deux, n’est-ce pas ? Je chanterai et proclamerai tes louanges en tant que brave soldat et tueur de sylvestres. Tes exploits traverseront les âges. »

Edhe croisa le regard de son frère, leurs yeux d’émeraude brillants au milieu de la foule agitée. « Je reviendrai, mon frère. » dit-il avec une conviction certaine.

Les soldats pénétraient dans les maisons, fouillant méthodiquement chaque recoin pour débusquer les éventuels récalcitrants. Leur présence imposante et leur détermination inflexible ne laissaient aucune place à la résistance. Le seigneur observait la scène en silence, le visage impassible, tandis que ses yeux scrutaient chaque mouvement avec une gravité lourde de sens.

Les gardes de Sangreblanc, immobiles comme des statues de granit, se tenaient en retrait, surveillant la foule avec une vigilance froide et distante. Leur rôle était de maintenir l’ordre, mais ce soir, ils semblaient figés par l’ampleur du drame qui se déroulait sous leurs yeux. La scène était empreinte d’une terreur palpable, chaque visage marqué par la stupeur et l’inquiétude. Les murmures étouffés et les soupirs désespérés des familles confrontées à cette brutalité renforçaient l’atmosphère oppressante qui enveloppait la châtellerie.

Les récits et les légendes sur les sylvestres, ces créatures mystérieuses et redoutées, avaient depuis longtemps alimenté les peurs les plus profondes des habitants. Ces histoires, transmises de génération en génération, évoquaient des guerres anciennes et des batailles sanglantes, peignant les sylvestres comme des adversaires impitoyables, presque surnaturels dans leur cruauté. Les visages des hommes, des femmes et des enfants reflétaient ces contes terrifiants, leur peur accentuée par l’incertitude et l’angoisse face à l’inconnu.

La guerre, avec son ombre menaçante, jetait un voile sombre sur les espoirs et les rêves des citoyens. Elle n’était pas simplement une bataille physique, mais une épreuve de l’âme, testant le courage et la résilience de chacun. Le poids de cette épreuve semblait écraser les esprits, transformant la fête en un instant de réflexion sombre et pesante.

« En rang, vermine ! » rugit un soldat en direction d’Edhe, ses mots résonnant comme un coup de gong dans l’atmosphère chargée.

À cet instant, Edhe ressentit profondément que son statut et ses privilèges étaient désormais d’une insignifiance cruelle. Le prestige du rang et des titres s’effaçait devant la dure réalité de la guerre. La cohorte, implacable et déterminée, se dirigea vers les bois enneigés, leurs silhouettes se fondant dans l’immensité glaciale de la nuit.

Un dernier regard échangé entre Edhe et sa famille serra douloureusement son cœur. Les visages familiers, marqués par la peine et l’inquiétude, s’effaçaient lentement dans le flou des adieux, tandis que l’horizon engloutissait les espoirs et les rêves partagés.

Au cœur de la foule, la chanteuse de la soirée, dont la présence avait apporté tant de joie et de réconfort, se leva en silence, ses pas lents et résignés. Elle commença à entonner une mélodie mélancolique, sa voix douce et éthérée se perdant dans le murmure des vagues humaines. Ses paroles, empreintes d’une tristesse poignante, flottaient dans l’air comme des échos lointains, capturant l’essence de la douleur collective et des adieux déchirants. La chanson se mêlait aux bruits étouffés de la foule, créant une harmonie lugubre avec les murmures et les soupirs des familles se séparant de leurs êtres chers.

***

Les chants de la barde, désormais lointains et presque irréels pour Edhe, se fondaient dans le murmure du vent glacial qui balayait la neige épaisse sous ses pieds. La marche était ardue, la neige, bien qu’habituellement plus praticable en cette saison, formait une couche traîtresse qui ralentissait leur progression. Malgré les chemins établis, la neige persistante rendait chaque pas incertain, chaque mouvement laborieux. Les hommes se soutenaient mutuellement, leurs souffles formant des nuages de vapeur dans l’air mordant des terres de Sangreblanc. Les pensées mélancoliques d’Edhe vagabondaient entre les souvenirs d’un chez-soi chaleureux et la dure réalité de cette expédition glaciale.

La majorité des recrues étaient originaires des régions nordiques, mais peu semblaient véritablement habitués à la rigueur de ce climat extrême. La nuit, noire et implacable, n’apportait aucun réconfort. Les torches vacillantes diffusaient une lueur faible et tremblante, illuminant à peine la troupe engourdie. Les bruits des pas crissant dans la neige, le cliquetis des armures, et le murmure des voix étouffées créaient une symphonie lugubre, tandis que chaque jeune homme avançait, les épaules voûtées sous le poids de leur destin incertain.

Le soleil, timide mais salvateur, finit par percer au-dessus des montagnes, offrant un répit temporaire aux âmes fatiguées. La lumière dorée réchauffait doucement les cœurs, mais le soulagement était relatif : les pieds engourdis par le gel peinaient à se mouvoir. Dans de telles conditions extrêmes, la solidarité s’imposait. Les hommes, fatigués et épuisés, se soutenaient, veillant à ne laisser personne derrière malgré la fatigue omniprésente. Certains avaient marché pendant plusieurs jours, affrontant des conditions impossibles, se battant contre les éléments et contre eux-mêmes.

Finalement, le profil du Castelbrok émergea majestueusement sur son piton rocheux, dominant la vallée environnante avec une autorité austère. Perché à une hauteur vertigineuse, le château se dressait comme un monument éternel, ses contours sombres se détachant sur le ciel grisé par la neige. Les fortifications en pierres noires, jadis imposantes, étaient désormais recouvertes d’une fine pellicule de neige, conférant à l’ensemble une apparence à la fois sublime et mélancolique.

Les murs, épais et massifs, avaient été patinés par le passage du temps et les caprices des intempéries. Les pierres, rongées par les siècles et les tempêtes, portaient les cicatrices de nombreuses batailles et d’assauts répétés. Les fissures et les érosions dessinaient un réseau complexe sur les parois, révélant les couches de l’histoire et la force de la nature qui avait défié la structure au fil des années. Les remparts, jadis imprenables, étaient maintenant flanqués de créneaux fissurés et d’archères ébréchées, ajoutant une touche de tristesse à leur grandeur passée.

« Ouvrez la grille ! » cria un fantassin, sa voix répercutant dans le silence glacé.

Edhe et ses compagnons franchirent la grande porte en fer, entrant dans la cour du château fort. La cour, spacieuse mais austère, était éclairée par des braseros émettant une lueur vacillante. Des baraquements sombres s’alignaient le long des murs, tandis que des soldats en tenue uniforme, indistinguables des recrues en raison de la fatigue et du froid, se déplaçaient en nombre incalculable.

« Posez vos culs ici et fermez-la en attendant qu’on vous appelle ! » ordonna un soldat avec une brusquerie marquée.

Edhe, adossé à la muraille froide du château, s’accroupit, le regard perdu dans le vide. Les pensées tourmentées sur son destin et l’avenir incertain l’assaillaient alors qu’il observait la scène chaotique qui l’entourait. Le poids de la responsabilité, les échos des adieux, et les murmures d’une guerre qui semblait infinie pesaient lourdement sur ses épaules, le plongeant dans une introspection mélancolique alors qu’il se préparait à ce qui l’attendait.

˜˜˜