Chapitre 5 - Ascension

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Chapitre V

Ascension

Dix ans plus tard…

Le saule pleureur se dressait majestueusement au bord du lac de Vérathia, ses longues branches effleurant la surface scintillante de l’eau sous un soleil radieux. L’herbe douce, d’un vert éclatant, s’étendait à perte de vue, caressée par une brise légère qui apportait un parfum de fleurs sauvages. Dans ce havre de paix, l’agitation du monde semblait lointaine, presque irréelle. C’était pour préserver des moments comme celui-ci que l’Ordre de Sigle combattait inlassablement. La paix et la sérénité étaient des trésors précieux dans un monde déchiré par mille feux de guerre.

Edhe n’était plus seulement un paladin dévoué. Au fil des années, il était devenu un homme accompli, un amant dévoué à Dame Elysande, l’amour de sa vie. Bien que son statut de paladin l’empêchât de revendiquer le titre de Vérathia en épousant sa bien-aimée, Edhe ne cherchait pas la gloire ni le pouvoir pour lui-même. Son seul désir était de devenir un parangon de justice, de posséder la force nécessaire pour apporter de véritables changements dans ce monde tourmenté. Pour lui, Elysande représentait tout, son ancre et sa lumière dans les ténèbres du conflit.

Le Seigneur de Vérathia avait initialement rejeté cette union, la considérant sans avantage stratégique. Mais, au fil du temps, il avait fini par accepter Edhe comme son futur gendre. Il nourrissait même l’espoir qu’Edhe atteigne le rang de Parangon, conférant ainsi encore plus de prestige à sa famille. Cependant, au-delà des considérations politiques, le baron avait développé une réelle sympathie pour Edhe. Voir sa fille heureuse dans un monde si troublé lui semblait désormais plus précieux que toutes les alliances.

Les deux amants chérissaient ces moments de tranquillité sous le saule pleureur, se plongeant dans les yeux l’un de l’autre, écoutant en silence les murmures de la nature environnante. Ce calme contrastait vivement avec la vie tumultueuse qu’Edhe menait en tant que paladin. L’Ordre le préservait de certaines responsabilités plus politiques, lui permettant de se concentrer sur son devoir sacré : être le témoin et le garant des faits d’armes, des victoires et des défaites des clans sur le champ de bataille.

La guerre, qui durait depuis des siècles, avait atteint une intensité inédite. Le front était plus sanglant que jamais, et les récits des combats parlaient de milliers de morts. Les raids militaires se multipliaient, et les civils, autrefois épargnés, devenaient des cibles. La haine entre les deux races belligérantes s’était intensifiée à un point où le retour en arrière semblait impossible, et la paix, un rêve lointain.

Malgré cette brutalité omniprésente, Edhe continuait de mener de nombreuses missions, toujours accompagné d’Albérion. Maintenir l’ordre et rassembler les hommes sous une bannière commune était une tâche ardue, mais cela l’avait mené aux quatre coins de Rythe. Sa dernière mission l’avait conduit pendant six mois dans les terres arides du sud, une épreuve qui l’avait profondément marqué. Pourtant, chaque pas qu’il faisait sur le chemin du retour était guidé par la hâte de retrouver sa bien-aimée. L’idée de la revoir, de sentir à nouveau la chaleur de sa présence, était la seule lumière dans l’obscurité de son voyage.

« Tu m’avais promis de ne partir que pour trois mois, si ma mémoire est bonne, cher époux. » dit Elysande, allongée dans l’herbe à côté d’Edhe.

« Pardonnez-moi, gente dame, mais les barbares des déserts du sud ne sont décidément pas très enclins à converser avec les armées sudistes » répondit Edhe avec un sourire en coin.

« Raconte-moi tes aventures, je t’en prie. » demanda-t-elle avec douceur, ses yeux brillants de curiosité.

Edhe poussa un léger soupir avant de commencer.

« Comme tu le sais, nous avons voyagé jusqu’à Karta’h, la capitale du sud. Tu devrais voir cette ville : des tours immenses, toutes construites en bois du désert, chaque morceau finement sculpté en l’honneur de leur dieu, Kartach. Leur culture est fascinante, et leurs armées sont redoutables. Si seulement elles pouvaient se joindre à nous pour mettre fin à cette guerre insensée, déclenchée par des extrémistes barbares. »

« Karta’h me fascine. » répondit Elysande, son regard s’illuminant.

« Savais-tu que ce fut le premier peuple à maîtriser le flux de l’eau grâce à des pompes hydrauliques ? »

« Fascinant. » acquiesça Edhe d’un ton distrait, plus amusé par son enthousiasme que par la technologie en question.

« Les clercs de l’ordre racontent que bien au-delà des terres connues, dans le sud, il existerait des humanoïdes à têtes de reptiles et aux corps couverts d’écailles. En as-tu vu, toi aussi ? » demanda-t-elle, captivée par ces légendes.

« Non, je n’en ai point vu de mes propres yeux, mais ces créatures existent bel et bien. Il faut traverser le désert pour les rencontrer, mais rares sont ceux qui ont survécu à ce périple. La chaleur y est infernale, même moi, j’ai souffert sous ce soleil implacable. Mais tout comme ces reptiles, il existe des géants. Dans les profondeurs des neiges éternelles de Sangreblanc, un géant dort, prêt à se réveiller pour nous sauver à l’aube de la fin. »

Elysande le fixa avec une expression à la fois surprise et amusée.

« Te moquerais-tu de moi, par tous les dieux ? »

Edhe rit doucement avant de la prendre tendrement dans ses bras.

« Albérion me dit souvent que notre monde regorge de mystères. Si la guerre entre hommes et sylvestres n’existait pas, imagine ce que nous pourrions découvrir. » répliqua-t-il, songeur.

« N’est-il pas vrai que les nains, ces êtres difformes et de petite taille, existent ? Au marché de Solari, mon père a même vu un gobelin faire commerce. Alors pourquoi un géant n›existerait-il pas ? »

« Tu as raison, ma douce, sans l’ombre d’un doute. Pardonne ma malice. Le monde est vaste et mystérieux, peuplé de races et de créatures que nous ne pouvons qu’imaginer. Un jour, j’en suis certain, tous se réuniront autour d’une table pour partager savoir et richesse. »

Elysande baissa les yeux, une ombre de tristesse traversant son visage.

« Tes rêves, mon tendre amour, ne sont malheureusement pas partagés par tous, et surtout pas par ceux qui dirigent. »

« Tu as raison. » admit Edhe, songeur. « Mais je veux changer les choses. Beaucoup pensent que mon heure viendra après cette quête. »

« Père et moi-même l’espérons de tout cœur pour toi. Nous pourrions ainsi cesser de prendre les concoctions d’Albérion, et je pourrais enfin porter la vie. »

« Tel est notre fardeau, imposé par ton père. Tant que je ne suis pas Parangon, je n’ai ni le droit de t’épouser ni celui de te donner un enfant. Heureusement, l’alchimie d’Albérion nous permet de vivre des moments intimes sans risquer de provoquer l’ire de ton père. »

Elysande se rapprocha d’Edhe, ses yeux pétillants d’intérêt.

« J’en conclus alors que tu as réussi ta mission dans les terres du sud ? »

« Oui. » répondit Edhe avec un sourire de satisfaction. « J’ai mené l’armée du roi du sud à la victoire. Grâce à Albérion et à mon maître Golfield, nous avons renversé les barbares après une bataille qui a duré une semaine. Les pertes furent lourdes des deux côtés, mais nous pensons avoir stabilisé ce front pour les trois années à venir. C’est sans doute l’une de mes plus grandes réussites. Je suis certain que Maître Golfield soutiendra mon ascension. »

Elysande hocha la tête, un doux sourire éclairant son visage.

« Depuis que tu as fait ta demande, je prie Paragone pour que ton ascension se réalise, mais sache que je n’attends pas après cela. Mon destin n’est pas dicté par les souhaits de mon père »

Edhe se redressa doucement, le regard pensif.

« Parlons plutôt de toi, maintenant. Comment avancent tes leçons de divination ? »

Elysande soupira légèrement.

« Je ne te mentirai pas, l’art divinatoire est plus complexe que je ne l’imaginais. Mais tes longues campagnes me laissent du temps pour parfaire mon savoir. Il semble que les prophéties soient trop obscures en ces temps troublés, comme si l’avenir refusait de se dévoiler. »

Edhe lui adressa un sourire malicieux.

« Ce que je viens de comprendre, c’est que mon absence te ravit ? »

Elysande rit doucement, avant de se blottir contre lui, laissant leur amour dissiper les ombres qui pesaient sur leur monde.

Alors qu’ils étaient étendus sous le saule pleureur, bercés par le murmure de l’eau et le souffle doux du vent, Elysande se redressa légèrement, reposant sa tête sur le torse d’Edhe. Elle fit glisser sa main doucement sur sa poitrine, son geste tranquille témoignant de la complicité profonde qui les unissait.

« Tu te souviens de notre première rencontre ? » murmura-t-elle, ses yeux s’éclairant d’une lueur malicieuse.

Edhe sourit, ses pensées retournant à ce jour mémorable. « Comment pourrais-je l’oublier ? Ce jour-là, je me suis montré aussi audacieux que maladroit. Je n’avais pas échangé plus de deux mots avec toi, et pourtant, je me suis présenté devant ton père pour demander ta main. »

Elysande rit doucement, sa voix teintée de tendresse. « Tu étais si sérieux, presque solennel, et pourtant, tu ne connaissais même pas mon nom complet. Mon père était tellement surpris qu’il ne savait pas s’il devait te renvoyer ou éclater de rire. »

Edhe se tourna légèrement pour la regarder, ses yeux reflétant l’amour qu’il lui portait. « Je me souviens de son regard… et du tien. J’ai cru un instant que je m’étais condamné à être banni du domaine pour toujours. Mais il y avait quelque chose dans ton sourire… un éclat de douceur qui m’a donné du courage. »

Elysande hocha la tête, ses doigts traçant distraitement des cercles sur la poitrine d’Edhe. « C’était si inattendu. Je n’avais jamais vu quelqu’un d’aussi direct, d’aussi audacieux. Il fallait vraiment une sacrée dose de courage pour faire une telle demande. Ça m’a touchée, tu sais. Je me suis dit que cet homme, qui n’hésitait pas à défier les conventions pour une simple rencontre, devait avoir un cœur aussi noble que sa démarche. »

« J’étais prêt à tout pour toi. » répondit Edhe, sa voix empreinte d’une douce sincérité. « Même si je n’avais presque rien dit ce jour-là, je savais au fond de moi que tu étais celle que je voulais à mes côtés. Ton père, au départ, m’a pris pour un fou. Mais il a fini par comprendre que ma demande n’était pas une simple impulsion, mais une promesse de dévotion. »

Elysande sourit à ce souvenir. « Il a fallu du temps pour qu’il accepte, mais au fond, je crois qu’il a été attendri par ton approche. Tu n’avais aucune garantie, aucune assurance que ta demande serait même considérée, mais tu l’as faite quand même. Et c’est cette audace qui a conquis son cœur, tout comme elle a conquis le mien. »

Edhe, les yeux brillants, serra Elysande un peu plus fort contre lui. « Ce jour-là, j’ai appris que l’amour n’attend pas. Que parfois, il faut oser prendre des risques insensés pour saisir ce qui compte vraiment. »

Elle leva les yeux vers lui, son regard rempli de tendresse. « Et moi, j’ai appris que les plus grands gestes ne sont pas ceux que l’on fait avec des mots, mais avec le cœur. »

Ils restèrent ainsi, enlacés sous le saule pleureur, savourant le silence complice qui les entourait. Leur amour, forgé dans l’audace et la tendresse, brillait comme une étoile dans ce monde troublé, et chaque instant passé ensemble était une promesse de jours meilleurs.

Deux hommes apparurent au sommet de la colline, figés sur leurs montures, observant silencieusement la scène d’intimité en contrebas. Edhe et Elysande, plongés dans leur moment de complicité, ne remarquèrent leur présence qu’à la dernière seconde. Elysande leva les yeux et les reconnut immédiatement.

« Albérion, Golfield ! Quelle surprise ! » s’exclama-t-elle avec enthousiasme.

Elle se redressa pour aller à leur rencontre, les serrant chaleureusement dans ses bras, comme on accueille de vieux amis.

« Vous devenez plus belle de jour en jour, Dame Verathia. » dit Albérion d’un ton flatteur, un sourire charmeur aux lèvres.

Pendant ce temps, Edhe se relevait avec une certaine difficulté, grimaçant légèrement à cause de sa blessure encore en cours de cicatrisation.

« Cette blessure te fait encore souffrir, n’est-ce pas ? » demanda Albérion, l’œil attentif.

« Toujours, mais je vais déjà beaucoup mieux grâce à tes sorts et concoctions. » répondit Edhe, avant de saluer chaleureusement son ami.

« Qu’est-ce qui vous amène ici ? Je ne pensais pas devoir retourner à mes obligations si tôt. »

Golfield descendit de sa monture avec une gravité inhabituelle, posant une main ferme sur l’épaule d’Edhe.

« C’est l’heure. » dit-il simplement.

Edhe fronça les sourcils, ne comprenant pas immédiatement la signification des mots de son maître paladin.

« L’heure de quoi ? » demanda-t-il, son cœur battant plus fort, espérant que le moment tant attendu depuis plus de dix ans était enfin arrivé.

Albérion prit la parole avant que Golfield ne puisse répondre, son ton empreint d’une solennité palpable.

« Tu as été choisi pour l’Ascension. Tu vas pouvoir tenter de devenir Parangon. »

Sa voix, habituellement assurée, laissait entrevoir une légère crainte, comme si la gravité de ce qui allait suivre pesait déjà sur ses épaules.

« Tenter ? » répéta Elysande, une lueur d’inquiétude traversant son regard.

Edhe tourna les yeux vers sa bien-aimée. Son regard exprimait toute la force de ses sentiments pour elle, un mélange de détermination et de tendresse. Ce même regard lui disait aussi, sans un mot, qu’il ne reculerait devant rien pour accomplir cette mission qu’il poursuivait depuis si longtemps.

Après un dernier échange silencieux, Edhe, empli de résolution, se détourna pour partir accomplir l’Ascension, laissant derrière lui l’amour de sa vie, mais emportant avec lui la force de leur lien indéfectible.

***

Le voyage fut long et éprouvant, une odyssée à travers d’immenses plaines verdoyantes battues par les vents violents des côtes du sud. Edhe, accompagné d’une garnison d’une vingtaine d’hommes, avançait avec détermination vers son destin. Les étendards de l’Ordre de Sigle flottaient fièrement au-dessus de la troupe, portés avec honneur par les paladins. Les tambours résonnaient, battant le rythme solennel traditionnel lors des cérémonies d’Ascension.

À la tête du cortège se trouvait le Parangon Èhone, une présence imposante mais attendue. En tant que chef de l’Ordre de Sigle, c’était lui qui avait donné son accord pour qu’Edhe tente l’Ascension, un privilège devenu de plus en plus rare. Au cours des dix dernières années, seuls trois paladins avaient osé relever ce défi, et tous avaient échoué. Le poids de ces échecs pesait lourd sur les épaules d’Edhe, mais il savait qu’il ne pouvait se permettre de faillir.

Edhe n’avait jamais eu l’honneur de s’entretenir avec le seigneur des Parangons. C’était un privilège réservé à une élite, et il n’était pas encore digne de ce droit. Seuls quelques rares paladins avaient eu l’occasion de s’adresser directement à un Parangon, et chaque mot échangé avec ces êtres quasi légendaires était porteur d’une gravité profonde.

Perdu dans ses pensées, Edhe restait silencieux, le visage marqué par les doutes et les inquiétudes qui le rongeaient. Il se concentrait néanmoins sur son objectif, essayant de chasser les ombres de ses incertitudes.

Albérion, remarquant l’intensité du silence de son ami, décida de le rejoindre. Il ralentit son cheval pour se porter à la hauteur d’Edhe, rompant ainsi la solitude du paladin. Leurs regards se croisèrent, et sans un mot, Albérion lui transmit un soutien silencieux, un rappel que, malgré la lourdeur de l’épreuve à venir, Edhe n’était pas seul. La route était encore longue, mais la présence d’Albérion à ses côtés lui apportait une réconfortante assurance.

« Sir Edhe, cette fraîcheur matinale vous donne un éclat particulier » lança Albérion avec un sourire malicieux tout en s’inclinant avec une élégance nonchalante.

Edhe desserra la mâchoire, répondant avec une légère ironie.

« Albérion, tu me combles d’honneur en daignant partager ta présence avec moi. Je craignais être tombé trop bas pour mériter ta compagnie. »

« Ne doute jamais de mon affection, très cher ami ! » répondit Albérion, les yeux pétillants de malice. « Mais sois assuré que ce n’est pas pour vanter ma propre grandeur que je me joins à toi en cette heure morose. »

« En quoi un homme aussi exceptionnel que toi pourrait-il perdre son temps précieux avec un couard de ma trempe ? » répliqua Edhe en éclatant de rire.

« Sir Edhe, je me prépare à assister à l’ascension d’un paladin vers le rang de Parangon. S’il y a bien un moment où il est justifié de flatter un homme, n’est-ce pas celui-ci ? »

Les deux hommes éclatèrent de rire, leur complicité chaleureuse tranchant avec l’austérité ambiante de la colonne militaire qui les entourait.

« Trêve de plaisanterie ! » dit soudain Albérion, retrouvant son sérieux. « L’Ordre du Sigle garde jalousement les secrets de l’Ascension. Personne ne sait vraiment ce que cette épreuve implique. »

Le visage d’Edhe se fit plus grave. « Oui, l’inconnu suscite la peur. Je ne peux m’empêcher de penser aux derniers candidats qui ont échoué. »

« Ne laisse pas la peur te paralyser, Edhe. Nous avons traversé tant d’épreuves ensemble. Le destin ne saurait s’arrêter là. »

Edhe hocha la tête, pensif. « On parle souvent de destin, mais tu sais ce que j’en pense. Pour moi, le destin n’est qu’une phrase encore à écrire. »

Albérion sourit doucement. « Justement, n’oublie pas que tu tiens la plume. Tu as versé tant de sang, enduré tant de souffrances pour en arriver ici. Tu as survécu à des batailles que peu auraient pu endurer. Il est impensable que tout s’arrête maintenant. »

Edhe posa une main sur l’épaule de son ami. « Albérion, si je suis encore là aujourd’hui, c’est grâce à notre entraide. Nous sommes allés aussi loin ensemble, et je t’en serais éternellement reconnaissant. »

Albérion hocha la tête. « Sans nul doute, mais l’Ascension, elle, se fera sans moi. Tu seras seul. Je dois aussi te dire que, durant l’épreuve, le temps lui-même est altéré. »

Edhe fronça les sourcils, surpris par cette révélation. « Comment sais-tu cela ? »

Albérion esquiva la question avec un sourire énigmatique. « Disons simplement que mon devoir de te protéger m’a poussé à fouiner un peu. »

« Altéré, dis-tu ? » Edhe répéta, son esprit cherchant à comprendre la portée de cette information.

« Oui, d’après ce que j’ai découvert, aucun paladin n’échoue vraiment l’épreuve. Ceux qui ne réussissent pas… restent bloqués dans une boucle temporelle, piégés dans l’épreuve elle-même. Mais tout cela reste flou, même pour moi. »

Edhe resta silencieux un moment, digérant les paroles d’Albérion. Le poids de ce qu’il s’apprêtait à affronter se faisait plus lourd, mais il savait que, quoi qu’il arrive, il devait avancer.

Edhe s’apprêtait à répondre quand un élan de curiosité et de contemplation le submergea. Il tira doucement sur les rênes de sa monture, la faisant s’arrêter net. Devant lui, un paysage grandiose s’étendait, captivant son regard. Là, à flanc de montagne, se dressait Rocléveil, un château fort imposant, à la fois majestueux et intimidant.

Rocléveil n’était pas seulement une forteresse, c’était un symbole de puissance et de mystère. Construit à l’entrée d’une immense grotte qui semblait s’enfoncer dans les entrailles de la montagne, le château se fondait harmonieusement dans son environnement, comme s’il avait toujours été là, gardien silencieux des secrets enfouis sous la roche. Les murs de pierre grise, robustes et austères, étaient marqués par les siècles.

Le soleil du matin, encore bas à l’horizon, projetait ses rayons dorés sur la façade du château, faisant scintiller les pierres comme si elles étaient incrustées de gemmes. Chaque créneau, chaque tour était baigné dans une lumière douce mais éclatante, créant un contraste saisissant avec l’ombre profonde de la grotte qui s’ouvrait juste derrière, comme la gueule béante d’une bête endormie. Le reflet du soleil sur les armures des gardes postés sur les remparts ajoutait une touche d’éclat à cette scène déjà imposante.

Edhe ne put s’empêcher de ressentir une profonde admiration mêlée à une certaine appréhension. Rocléveil, avec sa stature impressionnante et son aura de mystère, semblait être plus qu’un simple château. Il semblait vivre, respirer, une entité à part entière, prête à tester quiconque oserait s’aventurer en ses murs. Ce lieu, où se mêlaient lumière et ténèbres, symbolisait à la perfection l’épreuve qui l’attendait.

Alors que le vent soufflait légèrement, agitant les drapeaux ornés du sigle de l’Ordre, Edhe sentit le poids de son destin se faire plus lourd. Rocléveil n’était pas seulement la prochaine étape de son voyage, c’était le seuil de son ascension, l’endroit où son sort serait scellé. Pourtant, malgré la gravité de ce moment, il se sentit étrangement serein. Ce château, illuminé par le soleil, lui donnait la force de continuer, rappelant qu’après chaque ombre, la lumière finissait toujours par percer.

Autour des gigantesques portes de Rocléveil se pressait une foule compacte et fervente de pèlerins, une marée noire de dévotion qui déferlait en vagues silencieuses. Le lieu, sacré aux yeux des fidèles de Paragone, était un sanctuaire vénéré, un endroit de pèlerinage mystique où peu osaient pénétrer. Les portes elles-mêmes, imposantes et majestueuses, se dressaient à plus de cinquante mètres de hauteur, dominantes et presque irréelles dans leur grandeur.

Les murs de la forteresse étaient ornés de motifs complexes et d’icônes sacrées, et leurs surfaces lisses semblaient absorber la lumière du soleil, la renvoyant en reflets argentés et mystiques. Malgré l’aura sacrée du lieu, il était interdit de franchir ces portes, les gardiens et les rituels veillant avec une vigilance sans faille pour préserver la pureté du sanctuaire.

Lorsque les pèlerins aperçurent Edhe approchant, un murmure collectif d’émerveillement parcourut la foule. Les regards se levèrent avec respect et espoir, chaque visage marqué par une expression de dévotion et de croyance. Les murmures se transformèrent rapidement en une clameur d’admiration. Pour eux, Edhe représentait plus qu’un simple paladin ; il incarnait l’espoir d’un élu du dieu Parangone, celui qui pourrait apporter lumière et renouveau à leur monde déchiré.

Edhe, conscient du poids de cette admiration, avança vers les portes avec une gravité mêlée d’appréhension. Le Parangon Èhone, figure vénérable et respectée, s’avança à ses côtés. Ses robes d’apparat, ornées de symboles sacrés, semblaient presque flotter autour de lui, et ses yeux, empreints de sagesse ancienne, étaient fixés sur les portes majestueuses.

Arrivé devant les portes imposantes, Èhone posa ses mains sur la surface froide et lisse du métal, murmurant une incantation ancienne, une série de mots empreints de puissance et de mystère. Sa voix, profonde et résonnante, s’élevait dans l’air, portant les échos d’un langage oublié depuis longtemps. À mesure qu’il récitait l’incantation, les symboles gravés sur les portes commencèrent à s’illuminer doucement, leurs lignes dorées prenant vie et se tordant comme des serpents de lumière, révélant un éclat mystique qui semblait émaner du cœur même de la montagne.

Les portes, réagissant à la magie sacrée, commencèrent lentement à s’ouvrir avec un grondement profond et majestueux. La foule se tut dans un respect palpable, leurs yeux rivés sur la scène qui se déroulait devant eux. Une brume légère, chargée d’une aura sacrée, s’échappa de l’interstice grandissant, et une lumière dorée envahit progressivement l’espace entre les portes, comme si le seuil de Rocléveil était le passage vers un monde plus lumineux et plus pur.

Alors que les portes s’ouvraient lentement, un grondement sourd ébranla le sol sous les pieds des pèlerins et des paladins. La terre vibra comme si elle réagissait à l’éveil des anciens mystères cachés derrière ces portes colossales. Les chevaux, sensibles à cette agitation soudaine, s’affolèrent, hennissant et ruant dans une panique visible. Les cavaliers tentaient de les calmer, mais la nervosité des animaux ajoutait à la confusion ambiante.

La colonne des paladins, habituée à affronter les défis du monde extérieur, se figea, les regards se tournant avec une anxiété palpable vers les portes qui révélaient un lieu sacré. Seul Edhe, Albérion et le Parangon Èhone avançaient résolument à travers l’ouverture grandissante. Tandis qu’ils franchissaient le seuil, la lumière dorée qui émanait de l’intérieur des portes illuminait leurs visages, accentuant le sérieux et la détermination qui les animaient.

À l’intérieur, le silence régnait, interrompu uniquement par les murmures des prières des clercs, créant une atmosphère de profond respect et de concentration. Les deux acolytes observèrent le sanctuaire avec une admiration silencieuse. Le hall était vaste, soutenu par des colonnes imposantes qui se dressaient à plusieurs mètres de hauteur. Ces colonnes, simples mais majestueuses, étaient faites de pierre lisse et sombre, leurs surfaces luisantes légèrement sous la lumière dorée.

Des rangées de torches fixées aux murs diffusaient une lumière douce et vacillante, projetant des ombres dansantes sur les surfaces ornées. Le sol était pavé de pierres polies, chacune gravée de runes anciennes qui brillaient légèrement à la lumière des torches, comme des étoiles de pierre. Au bout du hall, un autel en marbre blanc, illuminé par des rayons de lumière naturelle filtrés par des ouvertures discrètes dans les parois de la montagne, se tenait en majesté, un point focal de la vénération qui imprégnait l’espace.

Ce qui captiva immédiatement leur attention, plus que tout autre détail du sanctuaire, était la vue des nombreux lits alignés où reposaient des hommes et des femmes inconscients. Il y en avait au moins une centaine, chacun plongé dans un sommeil profond et mystérieux. Les clercs, attentifs et méticuleux, s’affairaient autour de ces âmes endormies, veillant à leur confort et à leur bien-être.

L’expression préoccupée des deux hommes ne passa pas inaperçue pour le Parangon Èhone, qui sentit le besoin de leur fournir des éclaircissements. D’une voix empreinte de solennité, il expliqua :

« Ce sont les candidats en quête d’ascension. Ceux qui, comme toi, ont entrepris l’épreuve mais ne l’ont pas encore achevée. »

Les regards des deux hommes se croisèrent, la confirmation des paroles d’Albérion apportant une nouvelle dimension à leur compréhension. Une vague de stress envahit Edhe alors qu’il prenait pleinement conscience de l’ampleur de la tâche qui l’attendait.

Devant eux, cinq clercs se tenaient en formation, et au centre d’eux, un clerc en habit de cérémonie se distinguait par sa prestance. Son costume richement orné était à la fois un symbole de son autorité et un reflet de la grandeur de l’ordre du Sigle.

« Inclinez-vous devant le Haut Clerc de l’ordre du Sigle ! » s’exclama l’un des clercs, la voix empreinte d’une autorité respectueuse.

Sans hésiter, les trois hommes se courbèrent dans un geste de profond respect. Le Haut Clerc, sa stature imposante et son regard perçant ajoutant à son aura de mystère, s’adressa à Edhe d’une voix grave qui résonna dans l’immense salle :

« Alors, c’est toi, le paladin qui désire percer les mystères de l’ordre du Sigle ? »

« C’est bien moi, votre grandeur. » répondit Edhe, sa voix empreinte de respect et de détermination, conscient du poids de cet instant décisif.

À partir de ce moment, le temps sembla s’étirer, chaque instant devenant une épreuve de patience et de préparation. Edhe fut immédiatement enveloppé par le rituel sacré qui marquait le début de l’ascension. Chaque étape de cette préparation était empreinte de traditions anciennes et de cérémonies minutieuses, destinées à purifier et à renforcer l’esprit et le corps du futur Parangon.

La première épreuve de cette semaine de préparation fut le bain dans l’huile sacrée de Rocléveil. Conformément à la tradition, Edhe fut conduit dans une salle d’hygiène ornée de mosaïques en pierre et de symboles mystiques. Les sœurs du château, vêtues de robes blanches immaculés, l’attendaient, leurs gestes empreints de grâce et de dévotion. Elles l’aidèrent à se plonger dans une vaste baignoire en pierre, remplie d’une huile dorée et parfumée, préparée avec soin selon un rituel ancien. L’huile était censée purifier l’âme et le corps, et chaque mouvement des sœurs, chaque effleurement de l’huile, était exécuté avec une précision rituelle. Edhe ressentait la chaleur réconfortante de l’huile se répandre sur sa peau, tandis que les prières murmurées par les sœurs enveloppaient l’espace d’une ambiance sacrée et sereine.

Après ce bain de purification, il fut conduit à la salle des repas. Les plats étaient choisis avec une minutie sacrée, chaque aliment étant préparé selon les préceptes de l’ordre. Les repas étaient non seulement nutritifs mais aussi chargés de symbolisme, chaque ingrédient ayant une signification particulière dans le cadre de la préparation spirituelle. Edhe mangeait en silence, conscient de la signification de chaque bouchée, conscient que cette nourriture n’était pas seulement un soutien physique mais aussi un moyen de préparer son esprit à l’épreuve à venir.

Les jours suivants étaient ponctués de cérémonies de prière et de méditation. Chaque matin, Edhe se rendait dans la grande salle des prières, où des clercs récitaient des chants sacrés et des prières en l’honneur de Paragone. Les prières étaient souvent suivies de moments de méditation profonde, où Edhe était invité à réfléchir sur son parcours, ses erreurs passées et ses aspirations futures. Il s’agenouillait sur les dalles de pierre fraîchement polies, les yeux fermés, écoutant les chants et les incantations qui résonnaient autour de lui.

Les soirées étaient réservées au pardon et à la confession. Edhe se rendait dans une petite chapelle, où il confessait ses doutes et ses erreurs passées à un clerc spécialement désigné. Ce processus de confession était une purification spirituelle, une manière de libérer son âme des poids accumulés pour se préparer pleinement à l’épreuve. Chaque confession était suivie d’un rituel de purification, au cours duquel il se plongeait dans une petite fontaine sacrée, ses pensées purifiées par l’eau fraîche et bénite.

La semaine de préparation s’achevait dans une atmosphère de concentration et de solennité. Edhe, bien que fatigué par l’intensité des rituels et des prières, se sentait renforcé par la préparation spirituelle. Il se tenait désormais seul, face à ses pensées, dans une pièce austère éclairée par la lumière douce des bougies. Les ombres dansaient sur les murs, reflétant les motifs des runes anciennes. Chaque moment de solitude était un temps de réflexion profonde, une ultime préparation avant de se lancer dans l’épreuve qui définirait son avenir.

Alors que la dernière nuit avant l’épreuve approchait, Edhe se recueillait en silence, ses pensées flottant entre l’espoir et l’appréhension. Le rituel avait forgé en lui une force intérieure, une sérénité fragile mais puissante, et il était prêt à affronter les défis qui l’attendaient, avec la certitude que chaque tradition suivie et chaque prière récitée avaient préparé son esprit et son corps pour le moment décisif à venir.

« Ne pourrais-je dire adieu à mon ami avant l’épreuve ? » demanda Edhe, la voix empreinte de mélancolie, alors que le silence s’étendait autour de lui.

Le clerc, sans répondre directement, se contenta de hocher la tête en signe de compréhension. « Il est temps pour vous de revêtir votre armure. » répondit-il d’une voix empreinte de solennité.

À ces mots, Edhe se dirigea vers la salle adjacente, où l’armure de paladin l’attendait, soigneusement disposée sur un piédestal en marbre. La pièce était baignée d’une lumière douce et chaude s’échappant des torches fixées aux murs, créant une ambiance sacrée et intime. Les reflets dorés des éclats de lumière dansaient sur les surfaces métalliques, accentuant le caractère majestueux de l’armure dédiée à l’ascension.

L’armure elle-même était une œuvre d’art, une pièce d’équipement d’une beauté rare. Faite d’un métal argenté aux reflets chatoyants, elle brillait d’une lueur presque éthérée, ses contours ornés de gravures délicates représentant des symboles anciens de protection et de bravoure. Les plaques étaient polies à la perfection, et chaque pièce semblait respirer une aura de puissance et de sagesse.

Les clercs, vêtus de leurs robes sacrées, se déplacèrent avec une précision rituelle, préparant l’armure pour l’enfilage. Ils déployèrent les différentes pièces avec un respect palpable, les posant délicatement sur des coussins en velours bleu nuit. L’armure se composait de plusieurs éléments : un plastron orné de motifs en relief évoquant des scènes de victoire et de lumière divine, des épaulières élancées avec des crêtes rappelant des ailes protectrices, et des gantelets finement travaillés qui permettaient une liberté de mouvement tout en offrant une protection optimale.

Edhe, les yeux empreints d’une détermination tranquille, se dévêtit lentement de ses habits de préparation, révélant sa peau marquée par les épreuves passées. Les clercs commencèrent à lui passer l’armure, chaque pièce étant soigneusement ajustée. Le plastron fut d’abord fixé avec une douceur méthodique, les gravures dorées se plaçant parfaitement sur sa poitrine. Les épaulières, majestueuses et élégantes, furent attachées avec des lanières en cuir renforcé, offrant à Edhe une protection sans entraver sa mobilité.

Les clercs travaillèrent en silence, leurs gestes précis et ritualisés reflétant l’importance de l’instant. Chaque pièce de l’armure était attachée avec une attention méticuleuse, les serrures et les boucles réglées avec soin. Lorsque les gantelets furent mis en place, Edhe sentit un léger poids se déposer sur ses bras, un poids qui symbolisait à la fois le fardeau de la responsabilité et la force de la foi qui l’accompagnait.

Enfin, le casque, orné d’une crête dorée et d’un motif central représentant le symbole du Parangon, fut placé avec délicatesse sur sa tête. Le casque, conçu pour offrir une protection tout en permettant une vision claire, ajoutait une touche finale impressionnante à l’armure. Les clercs ajustèrent les courroies et s’assurèrent que chaque pièce était parfaitement en place.

Edhe se leva, l’armure maintenant entièrement en place. Elle brillait avec une intensité sacrée, chaque mouvement produisant un éclat doré qui rehaussait la gravité de son apparence. L’armure était non seulement un rempart contre le danger, mais aussi un symbole de son engagement et de sa préparation pour l’épreuve ultime.

On lui présenta une série d’armes d’une beauté éclatante, chacune plus impressionnante que la précédente. Edhe, pourtant, choisit une épée longue, conscient que sa dextérité le prédestinait à la maîtriser avec brio.

« En quoi consiste l’épreuve ? » demanda-t-il d’une voix calme, brisant le silence qui régnait dans la pièce.

Comme à l’accoutumée, personne ne répondit à sa question, laissant l’interrogation flotter dans l’air. « Voilà une semaine que le silence règne entre ces murs. » ajouta-t-il, sa voix empreinte d’une légère frustration.

Les clercs, comme des ombres, se retirèrent discrètement, laissant Edhe seul dans la pièce, désormais enveloppé dans son armure resplendissante. La sensation du métal contre sa peau était à la fois réconfortante et vivifiante. Il prit une profonde inspiration, ressentant le poids de l’armure se mêler à la force de son courage. Prêt à affronter l’épreuve qui l’attendait, il se dirigea vers le seuil, déterminé et résolu, prêt à faire face à son destin avec la majesté et la dignité que son armure représentait.

Une voix douce et grave émergea de l’ombre, comme un murmure ancien qui s’était caché dans les recoins de la pièce. Une silhouette élégante et sereine se détacha de l’obscurité. « Vous trouverez les réponses lors de votre épreuve. Nous avons dû purifier votre âme pour vous préparer à ce moment. Derrière cette porte se trouve votre avenir. Sachez que toutes nos prières seront dirigées vers vous, Paladin. La solitude que vous avez endurée cette semaine avait pour but de vous recentrer, de vous préparer à cette ascension. Vous sentez-vous prêt, Maître Paladin ? »

Edhe fixa la porte avec une résolution ferme. « J’ai l’impression d’être né pour cette épreuve, pour ce moment. »

La voix, empreinte d’une sagesse ancienne, résonna encore. « Vous êtes né pour bien plus que cela. » dit la lieuse de vie, dont la présence était à la fois rassurante et mystérieuse. « Souvenez-vous de notre première rencontre. Quand ces mots trouveront un écho en vous, alors vous trouverez la clé. »

Edhe voulut répondre, mais le geste apaisant de la lieuse de vie l’arrêta. « Nul besoin d’en dire plus. Votre avenir est derrière cette porte. Vous avez le choix de l’emprunter ou de reculer. Il n’y a pas de honte à hésiter sur le seuil, mais sachez que la véritable épreuve commence maintenant. »

Avec une détermination renouvelée, Edhe dégaina son épée, la lame brillant sous la lumière tamisée. Il se dirigea vers la porte, d’un pas réfléchis mais empreint de certitude. En franchissant le seuil, il fit face à son destin avec la force et la clarté qu’exigeait l’ascension, chaque mouvement marqué par la résolution et le courage.

Il entendit le lourd claquement de la porte se refermer derrière lui, plongeant l’endroit dans un nouveau silence, profond et oppressant. Dans les profondeurs d’une vaste caverne, des stalactites pendent du plafond telles des gardiennes ancestrales du temps, leurs pointes s’étirant vers le sol rocheux comme pour converser silencieusement avec les stalagmites qui s’élèvent pour les rencontrer. La caverne s’ouvrait sur un grand paysage souterrain, baigné d’une lumière éthérée qui filtrait à travers une source invisible plus haut, jetant une lueur sereine sur les rochers dentelés et les eaux calmes en dessous. Avançant d’un pas résolu vers l’édifice devant lui, chaque mouvement était empreint de réflexion et d’une angoisse croissante. Les doutes affluaient, mais le recul était impensable. Les torches, alignées de chaque côté du chemin, projetaient une lumière vacillante, éclairant son chemin dans cette solitude où les mots avaient laissé place à un calme austère.

Il prit une torche du mur avant de pénétrer dans l’édifice, son épée toujours fermement en main, la gardant comme une extension de sa détermination. L’escalier qui se déroulait devant lui était plongé dans l’obscurité, mais la pierre était finement taillée, ses parois ornées de statues antiques qui semblaient raconter une histoire oubliée. Les lieux semblaient plus anciens, plus purs d’une manière indescriptible, une beauté qui transcende le temps.

Les minutes paraissaient interminables pour un paladin en quête de vérité. En franchissant les dernières portes, il découvrit une salle nouvelle, au centre de laquelle se tenait un calice, illuminée par un halo de lumière douce. Alors qu’il faisait son premier pas vers le précieux artefact, il réalisa que la pièce était inondée d’une eau claire jusqu’à ses chevilles. Étonnamment, il observa un phénomène étrange : ses propres gestes semblaient se refléter et se multiplier en une myriade d’images éphémères avant de disparaître dans l’éther. Ce spectacle de son propre corps dédoublé, figé dans le temps, était à la fois troublant et fascinant. Il se demanda si cette épreuve cherchait à le briser ou à révéler sa vraie nature.

Le battement de son cœur, fort et régulier, se faisait entendre distinctement, et chaque pulsation semblait résonner dans la pièce silencieuse. Alors qu’il avançait, les échos de son cœur se calmaient peu à peu, chaque pas vers la calice diminuant l’intensité du tumulte intérieur, le préparant ainsi à l’épreuve qui l’attendait.

La tâche était désormais claire : il devait boire le liquide contenu dans la calice. Edhe prit une profonde inspiration avant de saisir la coupe, scintillante de mille feux, dans ses mains tremblantes. D’un geste déterminé, il en prit une première gorgée, puis une seconde. Rapidement, le liquide s’évanouit, laissant derrière lui une sensation de bien-être indéfinissable.

Alors que le contenu de la calice se dissipait, l’eau commença à émettre une lueur d’un bleu céleste éclatant, illuminant ses yeux émeraude d’une lumière surnaturelle. La grotte, autrefois sombre et mystérieuse, révélait maintenant ses formations de stalactites et de stalagmites étincelantes. Les murs semblaient vibrer au rythme d’un passé lointain, où des voix et des échos se mêlaient aux bruits de lames, aux rires et aux pleurs.

Les sons familiers de sa vie défilaient devant lui, créant un spectacle éblouissant de lumière et de son. Chaque écho semblait tordre la réalité, lui permettant de voir des fragments de son passé se matérialiser dans une danse de lumière et de son. Des visages déferlaient, celui de son père, son visage marqué par la fatigue des batailles. Le regard de celui qui attendait d’Edhe qu’il accomplisse une destinée plus grande que la sienne. La promesse faite avant son départ pour devenir paladin. Cette promesse qu’il ne pourrait peut-être jamais tenir. Puis celui d’Elysande, cet éclat dans son regard obscurcit par l’ombre de ne peut-être jamais connaître le doux moment où il pourrait enfin épouser sa bien-aimée, voir à nouveau ce sourire sous la lumière du crépuscule Alors qu’il observait ces ombres de son passé, les échos devenaient de plus en plus présents, se fondant en une symphonie de réminiscences.

Sentant une montée d’inquiétude, Edhe serra le pommeau de son épée, se mettant en garde contre les visions troublantes qui l’entouraient. Soudain, la lumière changea brusquement, passant à un vert profond et mystique. Les sons cessèrent, laissant place à un calme presque oppressant. Les échos se dissipèrent pour révéler une silhouette éthérée, parfaitement identique à celle d’Edhe.

L’entité, enveloppée d’un voile mystérieux, se matérialisa peu à peu, prenant une forme de plus en plus réaliste. C’était son propre sosie. Edhe, stupéfait, secoua la tête comme s’il cherchait à se réveiller d’un rêve. Son double, comme par un reflet dans un miroir, imita chacun de ses mouvements avec une précision troublante.

« Es-tu moi ? » demandèrent les deux sosies en parfaite synchronisation.

« Que se passe-t-il ? » répétèrent-ils simultanément.

La porte se referma derrière eux dans un écho lourd et définitif. À cet instant, Edhe comprit que seule une personne pourrait survivre à l’épreuve. En réalité, lui et son sosie partageaient les mêmes pensées. Edhe, cherchant à surprendre son double, se ravisa rapidement, conscient que leur réflexion commune était désormais un handicap. Les idées devenaient confuses pour les deux hommes. Ils se mirent en garde, pleinement conscients de la gravité de l’épreuve.

Un silence oppressant s’installa, chaque souffle résonnant comme un écho d’incertitude. Puis, dans un éclair, la première lame fendit l’air avec une vitesse fulgurante, et le combat s’engagea immédiatement. Les bruits des lames s’entrechoquant résonnaient avec fracas dans la grotte, créant une symphonie de métal et de tension. Les mouvements étaient précis et calculés, chaque coup porté avec détermination. Le combat, bien que féroce, demeurait équilibré ; les deux adversaires échangeaient des regards empreints d’incompréhension, frappant avec la même intensité pour survivre et atteindre leur objectif. Chaque coup paré, chaque attaque bloquée, comme un ballet entre deux maîtres du combat. L’affrontement paraissait étrangement facile , presque mécanique, mais Edhe sentait que sous cette surface lisse, la moindre erreur lui serait fatale.

Au fil des échanges, leurs actions distinctes forgeaient des futurs divergents. Chaque coup et chaque esquive créaient de nouvelles expériences et réflexions, transformant leur combat en une danse de destin et de volonté. Comme si leurs lignes de temps se séparaient à partir d’un même point de départ, le combat continuait, presque intemporel. La fatigue ne semblait pas les affecter ; la calice leur avait peut-être accordé une endurance inhumaine. À ce moment, il leur semblait que cette joute pourrait durer une éternité. Edhe, en pleine confrontation, se demanda si les autres paladins endormis avaient également ressenti cette illusion d’infini.

Tandis qu’il luttait, Edhe trouvait difficile de se concentrer. Se battre contre soi-même, même pour un guerrier aguerri, n’était pas chose aisée. Son double portait le même regard de détermination froide, le même fardeau du devoir. Pourtant, il réfléchissait profondément. Son sosie semblait avoir évolué d’un état de réflexion à un état de rage guerrière, une transformation qu’Edhe connaissait bien. Le combat révélait peu à peu les facettes cachées de leur personnalité, créant une distinction entre eux. La question demeurait : pourquoi Edhe restait-il plus introspectif que son double ? Cette divergence, mystérieuse et troublante, se manifestait à chaque coup échangé.

Les réflexions d’Edhe avaient toujours été une force face à ses adversaires, mais aujourd’hui face à son double, elles en devenaient une faille dans laquelle il s’engouffra avec une rapidité implacable. Le coup bien placé le déstabilisa, une faiblesse dans sa garde, et il vacilla. Son souffle devint plus court , ses pensées embrouillées par la douleur et le doute. Il pensa à sa bien-aimée, à tout ce qu’il avait accompli jusque-là, à ce destin qu’on lui avait prédit. Il ne pouvait abandonner si proche de sa destinée. Il devait se battre, survivre pour un monde meilleur.

Alors qu’un nouveau coup porté par son reflet l’assaillit, comme un éclair dans la nuit, Edhe fut confronté à son propre regard, celui emplit de détermination qui ne l’avait plus quitté depuis son plus jeune âge. Et à travers ses propres yeux, il trouva le souvenir de son enfance, de son village. Le sage de Sangreblanc , celui qui l’avait vu grandir, lui avait un jour murmuré alors qu’il observait la rivière sombre et agitée : «La force véritable ne réside pas dans le combat, Edhe. Mais dans l’acceptation. L’acceptation que certaines batailles ne doivent pas être gagnées. » Ces mots résonnaient aujourd’hui comme un écho lointain, mais ils portaient un sens nouveau.

La solution n’était peut-être pas dans la victoire, pas dans la domination. Il ne pouvait pas battre ce double qui était lui. Chaque fibre de son corps lui criait de continuer, de survivre. Mais l’épreuve exigeait autre chose. Quelque chose de plus profond, quelque chose qu’aucune force brute ne pouvait accomplir. Le véritable sacrifice.

« Il ne peut y avoir qu’un seul survivant » se répétât-il dans un murmure. Son double ne faiblirait jamais. Comment pourrait-il, alors qu’il partageait la même résolution, la même détermination à protéger ceux qu’ils aimaient ? La même volonté de sauver ce monde ravagé. Il n’y aurait pas de fin à ce combat. Lui seul devait céder.

C’est alors que les préceptes de la lieuse de vie résonnèrent en lui, comme une confirmation divine de la clé de cet épreuve : « Mourir pour une noble cause, faire passer son devoir avant ses désirs. » Ce ne serait pas lui qui rendrait la paix au monde, mais son double. S’il devait y avoir un survivant, qui d’autre que lui pourrait l’accomplir ? Et si cet autre «lui» devait continuer ce chemin, alors Edhe pouvait enfin s’autoriser à laisser tomber ses armes. Il devait être prêt à mourir pour la paix.

Il se concentra sur la marque qu’il portait sur le bras. Avec une détermination renouvelée, il donna un coup puissant à l’épée de son adversaire, le projetant à quelques mètres. Tout lui semblait désormais plus clair : ce n’était pas par le simple fait d’arme qu’il se distinguerait, mais par le sens du sacrifice. Plutôt que de rester pris dans cette boucle éternelle, il comprit que, par son sacrifice, l’un d’eux pourrait se libérer et accomplir sa mission.

À ce moment, ses désirs se dissipèrent. Un profond calme envahit son esprit. Il planta son regard dans celui de son double, cette ombre de lui-même qui ne faiblissait jamais. Et dans ce silence suspendu, il lâcha son épée. Le métal résonna sur la pierre froide de la grotte, et dans ce geste, il offrit plus qu’une simple reddition. Il offrait sa vie.

Celui-ci, voyant son double sans défense, se mit en garde pour une dernière attaque décisive.

« Pourquoi ? » demanda le sosie, le regard plein d’incompréhension, alors qu’il observait Edhe baisser sa garde.

Edhe, les yeux remplis de détermination et de fatigue, répondit d’une voix calme et résignée : « L’un de nous doit rendre le monde meilleur. Je sais que tu partages ce désir autant que moi. Il n’y a plus de raison de continuer ce combat. Si tu es moi, alors je sais combien tu tiens à être un homme digne. »

Le sosie, ébranlé par ces paroles, sembla réfléchir profondément. Avec un geste lent et résolu, il jeta son arme sur le sol. « Si je suis l’homme que tu prétends, alors tu sais que je ne pourrais jamais tuer un autre homme de cette manière. Nous méritons notre ascension, mais je refuse de te tuer. »

À son tour, l’autre Edhe laissa tomber son épée avec un sentiment de paix intérieure. Le sol de la grotte se mit à vibrer légèrement, et le sosie commença à devenir flou, entouré d’une lueur éthérée. En un instant, il se transforma en une silhouette translucide avant de disparaître complètement dans une éclatante lumière.

L’eau à ses pieds, qui avait été d’un bleu profond et agité semblable à cette rivière qu’il observât dans cette enfance qui semblait à présent faire partie d’un autre temps, retrouva une teinte apaisante de bleu ciel. Cette transformation apporta un calme serein à l’atmosphère de la grotte, les vibrations se calmant progressivement.

Une voix, douce et empreinte de sagesse, résonna dans la grotte désormais tranquille : « Incline-toi devant mon écho. »

La voix, bien que lointaine, portait en elle une reconnaissance infinie et une autorité tranquille. Edhe s’inclina avec respect, comprenant que cette épreuve était plus qu’un simple combat. Elle était une leçon sur la véritable essence de la grandeur : la capacité à transcender ses propres limites et à faire des choix empreints de dignité et de sacrifice. Ce moment de vérité avait révélé que la véritable ascension réside non seulement dans la force physique, mais dans la pureté du cœur et la profondeur des intentions.

La voix résonna avec une puissance majestueuse, emplissant la grotte d’une autorité douce mais indéniable. Edhe, s’agenouillant avec révérence, se redressa pour poser une question essentielle.

« Qui êtes-vous ? » demanda-t-il, la voix empreinte d’une curiosité mêlée d’humilité.

« J’ai bien des noms, mais vous me nommez Paragone. » La voix résonna avec une clarté ancienne, enveloppée d’une sagesse infinie. « Tu as réussi l’épreuve, tu as saisi la valeur profonde de l’ordre de Sigle. Par le sacrifice et la clémence, naîtra la paix. Promets-tu d’œuvrer pour la paix entre les hommes ? »

« Oui. » répondit Edhe d’une voix résolue, marquée par une détermination ferme.

« Lève-toi alors, Parangon Edhe. Honore l’ordre. L’eau de Sigle que tu as bue te conférera ce que tu n’avais pas. Fais-en bon usage. C’est une part de mes pouvoirs que je te confie. »

À ces mots, la grotte vibra de nouveau avec une intensité palpable. Avant qu’Edhe n’ait pu pleinement se relever, il sentit un tourbillon puissant l’aspirer. Un sentiment vertigineux d’être absorbé dans le vide l’enveloppa, comme si le monde lui-même se dérobait sous ses pieds. Le paysage de la grotte se dissipa en un tourbillon de lumière et de couleur, emportant Edhe dans une dimension différente, loin des contraintes de la réalité.

Lorsqu’il rouvrit les yeux, il se retrouva soudainement dans la grande salle de Rocléveil, au milieu des autres paladins endormis dans leur épreuve éternelle. Il se redressa en sursaut, le souffle court, son corps encore imprégné des sensations de l’épreuve. Il but avidement l’eau que lui apporta un clerc, comme si chaque goutte était un soulagement après une longue période de soif insatiable.

Albérion le regardait avec une expression mêlée de surprise et d’admiration, comme s’il voyait un revenant. Edhe chercha à parler, mais sa voix était faible, presque inaudible.

« Voilà une semaine que tu dors. » expliqua Albérion, ses mots empreints de gravité.

Le Parangon Èhone, s’approchant avec une solennité palpable, croisa le regard d’Edhe.

« Une semaine ? Comment cela se peut-il ? » demanda Edhe, d’une voix encore tremblante.

« Le temps est altéré. » répondit Èhone d’un ton réfléchi. « Ici-bas, le temps passe différemment. Dans l’antre de Paragone, tout est modifié. Les paladins qui nous entourent sont dans leurs épreuves depuis peu ou depuis des jours, voire des années. Mais pour eux, seules quelques heures se sont écoulées. Impossible de prédire s’ils se réveilleront. Leur épreuve n’est pas encore terminée. S’ils meurent, ils ne se réveilleront jamais. S’ils se battent sans fin, le temps reste figé. Pour réussir l’épreuve, les deux sosies, altérés par le temps et la lame, doivent parvenir à la même conclusion. C’est ainsi que Paragone accorde sa bénédiction pour l’ascension. »

Edhe, encore bouleversé par l’expérience, interrogea avec difficulté : « Vous lui avez parlé aussi ? »

Èhone esquissa un sourire empreint de sagesse ancienne. « Acclamons ensemble le nouveau Parangon. » dit-il avec une fierté manifeste, avant de s’incliner en signe de respect.

À ces mots, l’ensemble de la grande salle s’inclina à son tour. Les murs imposants de Rocléveil vibrèrent au rythme des acclamations, comme si le monde entier célébrait l’avènement d’un nouveau Parangon. Les cathédrales du monde des hommes retentirent de leurs cloches pour marquer la naissance d’une légende. Le nom d’Edhe, désormais empreint d’une grandeur mythique, résonna à travers les âges, célébré comme un symbole de sacrifice et de paix. Le monde des hommes se plia à cette nouvelle ère, et la légende d’Edhe commença à s’écrire avec des lettres d’or dans les abysses du temps.

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