Chapitre 1 - “Je suis en vie”

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Vous êtes prêt(e) ? Plongez dans les premières pages d’Arch, et laissez la magie opérer. ✨

Bonne lecture, et n’hésitez pas à partager vos impressions ! 👇🏻

Chapitre 1

« Je suis en vie »

10 ans après H-0 «Hour zero» - 3 695 jours dans l’espace.

Du plus loin que je me souvienne, le bourdonnement du moteur d’un F-65G a toujours résonné en moi, un son familier et réconfortant qui m’a accompagné au fil de mes missions. Ce vaisseau, avec son aura puissante, reste gravé dans ma mémoire. Malgré les années et l’usure, le ronronnement du moteur demeure inchangé. Le levier de pilotage ne vibre pas, et pourtant, je sens que le réacteur à fusion a perdu de sa superbe. Malgré les ravages du temps, ce vaisseau reste mon refuge. Conçu pour un seul homme, le Lucifer est mon sanctuaire.

Cela fait maintenant dix ans qu’il ne sert plus que de véhicule de fret, transportant des marchandises bien loin des missions héroïques de combat qu’il a connues jadis, avant « l’Heure Zéro », ce jour funeste qui marqua un tournant pour l’humanité et où débuta notre exil à travers le néant. Ce départ sans espoir de retour scella notre sort à jamais.

Je me nomme Rafaël Sheperd, autrefois Capitaine d’un groupe interarmé nommé « Hammer ». Aujourd’hui, je ne suis plus qu’un nomade à bord de l’Arch, ce gigantesque vaisseau spatial abritant plus de 985 632 âmes errantes, les survivants de l’« Heure Zéro ». L’humanité est au bord de l’extinction, et pour beaucoup, ce n’est qu’une question de temps. Comment en sommes-nous arrivés là ? Les théories abondent, comme toujours. L’homme prétend savoir ce qu’il ignore et continuera ainsi jusqu’à sa fin. Il oublie trop souvent les leçons tirées de son expérience, mais il a le mérite de persévérer.

Lorsque la galaxie fut attaquée, ce que nous pensions être indestructible, l’Homme, fut brisé en l’espace de trois jours. Malgré nos avancées technologiques et nos colonies sur Neptune, Mars, Jupiter et la Lune, nous avons été défaits par un ennemi inconnu, supérieur en tout point, frappant aux faiblesses de notre système. Les vétérans parlent de guerre, mais moi, je parle de génocide. L’humanité comptait plus de 15 milliards d’habitants à travers notre belle galaxie. Comme des fourmis éradiquées par milliers, notre ennemi a fait de même avec nous sans que nous puissions nous défendre. Pour un militaire tel que moi, cet échec est d’autant plus amer. Notre devoir était de protéger, et notre échec est retentissant au plus profond de moi.

Je tempère néanmoins mes propos, car l’humanité se destinait peut-être à sa propre destruction. Peut-être que tout ceci a une raison particulière, ou peut-être que nous ne sommes que des fourmis sur un ballon. Ce qui est certain, c’est que tout ce que nous pensions savoir était faux ; nous ne sommes pas seuls. Paradoxalement, cela fait dix ans que nous sommes en exil dans l’espace, et alors que nous avons besoin d’assistance, nous n’avons rencontré aucune forme de vie extraterrestre. À croire que le sort se moque de nous.

L’Arch, qui abrite les restes de l’humanité, était initialement construite pour durer seulement trois ans. Les ressources se font rares et les défis ont été nombreux. Selon le commandant de l’Arch, dans moins d’un an, le générateur principal s’arrêtera faute de pièces. Il est étrange de connaître son sort sans pouvoir rien y faire. L’état d’esprit à bord de l’Arch est plutôt résigné. Nous vivons jour après jour, cherchant à survivre du mieux possible. Ma vie est devenue secondaire, et je ne sais expliquer ma volonté de me lever chaque matin pour transporter des marchandises entre l’Arch et les navettes qui la suivent.

Ce gigantesque vaisseau, conçu en une semaine grâce au génie humain pour abriter plus de 500.000 personnes est depuis trop longtemps en surcharge. La fuite fut terrible. Je me souviens encore de cette période, elle a marqué nos esprits au fer rouge. Quoi qu’il en soit, la fin est proche et...

«Un bip dans le cockpit retent »

IA 7.0 : « Communication en provenance de l’Arch, souhaitez-vous accepter la communication ? IA terminé. »

Alors bercé dans mes pensées, je reprends soudainement mes esprits et réponds par un affirmatif à mon IA embarquée.

« Port spatial 3 à Vaisseau Lucifer, commandement vous rappelle… grésillement… sur la ligne station 3. »

La ligne semble fortement défectueuse. Je décide alors de survoler l’Arch pour inspecter l’état de l’antenne. Pendant la manœuvre, j’essaie en vain d’expliquer à mon opérateur que la radio est hors service à ce niveau de l’Arch. En volant autour, je constate l’étendue des dégâts sur la coque, marquée par de nombreux impacts, certains morceaux se détachant et s’effritant. J’esquive de justesse un fragment de plusieurs mètres qui vient de se détacher. Ressentant des micro-débris frapper la carlingue, je perçois une légère vibration dans le levier de pilotage.

Je revenais d’une livraison de pièces détachées pour un vaisseau en dehors de l’Arch. Il n’était pas rare de faire des détours de dernière minute. Les ordres de mission variaient, mais je n’étais plus un militaire. Nous n’avions plus besoin de l’armée, à vrai dire. L’autorité militaire à bord de l’Arch est sous la supervision du commandement de bord. En réalité, c’est plus une force de police. Étant donné ma fonction passée, j’avais reçu diverses propositions de postes, mais j’ai préféré rester à bord de mon vaisseau, loin de la politique et des intrigues humaines. Je crois que je n’avais d’intérêt pour personne et personne ne s’intéressait à moi.

Que ce soit avec 15 milliards d’êtres humains ou moins d’un million, l’orgueil humain reste le même. Cette envie de diriger est toujours présente, nous ayant causé tant de souffrances au cours des dix dernières années. Après tout ce que nous avions vécu, nous en sommes toujours au même point. À travers mes guerres, j’avais compris mieux que quiconque l’humanité, et j’avais accepté que, que ce soit sur Terre ou à bord de l’Arch, rien ne change.

Je finis par localiser l’antenne de communication de l’Arch. Je m’approche doucement, et les caméras de mon vaisseau scannent l’antenne pour m’en fournir un diagnostic précis. Les câbles d’alimentation sont percés et, pour la plupart, débranchés du bloc moteur. Les micro-météorites et les morceaux de la coque en lambeaux causent de nombreux dysfonctionnements autour du vaisseau. Une équipe de réparation intervient tous les jours, car l’Arch nécessite un entretien constant, un travail titanesque. Si bien que nous devons condamner des parties de l’Arch année après année, faute de moyens pour les réparer. Heureusement, nous pouvons récupérer des pièces pour réparer d’autres sections, comme se couper une jambe pour continuer à marcher.

«Lucifer à Port spatial 0.3, constat de nombreuses avaries. L’alimentation de l’antenne est instable. Remplacement du câble possible aujourd’hui. Bloc de protection à installer en second temps.»

Retour radio : « grésillement sur la ligne »

Sheperd : « Qu’en penses-tu, Lucifer ? J’y vais sans connaître ma solde ?» dis-je à mon appareil de bord.

IA 7.0 alias Lucifer : « Me posez-vous la question d’un point de vue éthique ou personnel, car la réponse n’est pas la même selon les deux cas de figure, Capitaine ? IA terminé. »

Sheperd : « Ne me nomme plus Capitaine, tu sais que je ne le suis plus… »

IA 7.0 alias Lucifer : « Mes circuits doivent être mis à jour sur ce point et c’est à vous de le faire. Peut-être aimez-vous que je vous le rappelle, puisque vous n’avez pas pris le soin de le faire depuis plus de 10 ans. IA terminé. »

J’esquisse un léger sourire, après une pensée en souvenir du bon vieux temps.

Sheperd : « Tente une dernière communication avec le port, sinon je sors. »

Une minute sans retour, puis enfin une réponse. Je commence à mettre mon casque pour une sortie dans l’espace, attendant la réponse de mon intelligence artificielle.

IA 7.0 alias Lucifer : «Aucune réponse du port.

Étude de situation d’intervention 1.0 en cours :

Diagnostic du dysfonctionnement 1.1 : Antenne défectueuse.

Accord de sortie dans l’espace pour réparation 1.2 : Autorisation en cours de validation après retour radio.

Protocole d’urgence habilitation militaire 1.3 : Aucune habilitation.

Prise en compte du tempérament du capitaine 1.4 : Ne respecte pas le protocole.

Résultat de l’étude préliminaire 1 : Vous allez sortir.

En d’autres termes, sachez que vous n’avez pas vocation à accomplir votre mission, Capitaine. J’ai bien pris conscience que vous n’allez pas suivre mes recommandations.

Étude de situation de sortie 2.0 en cours :

Conditions météorologiques 2.1 : Pluie spatiale.

Évaluation du niveau de dangerosité de la pluie spatiale 2.2 : Niveau 1/5, soit niveau faible.

Réinitialisation de l’historique d’étude à 0 pour diminution de la base de données. IA terminé. »

Sheperd : « Reçu. Tu me connais mieux que mon défunt père. J’opère une réparation. »

Je ferme mon casque et me prépare pour une sortie dans l’espace, déterminé à accomplir ma mission, comme je l’ai toujours fait.

Contrairement à ce que nous connaissions dans notre galaxie, nous avons rapidement découvert la multitude d’éléments divers que nous pouvions rencontrer dans l’espace profond. Les pluies spatiales, par exemple, étaient une nouveauté pour nous, et leur fréquence dépassait largement nos attentes. Ces phénomènes météorologiques cosmiques, composés de nuages gazeux aussi vastes qu’une galaxie, nous avaient déjà piégés une fois pendant un mois entier dans un environnement humide. Ces nuages se composaient de particules d’eau, chacune de la taille d’une goutte terrestre. Malheureusement, notre équipement spatial n’était pas conçu pour supporter l’humidité. Bien que les pluies spatiales ne représentent pas une menace directe pour l’homme, elles posaient un grave danger pour l’Arch.

Je me prépare alors à sortir pour une réparation urgente. J’active l’ouverture du cockpit et la dépressurisation produit un bruit assourdissant, comme un rugissement venu du fond de l’univers. Une fois le silence revenu, je détache mon harnais et commence à flotter dans le cosmos.

La première sensation est celle de la légèreté absolue. Libéré des contraintes de la gravité, mon corps se meut sans effort, flottant doucement dans le vide spatial. Chaque mouvement est gracieux, presque chorégraphique, comme une danse silencieuse entre les étoiles. La sensation est à la fois exaltante et apaisante, un rappel constant de la liberté infinie que seul l’espace peut offrir. Il y a une pureté dans cette absence de poids, un détachement des soucis terrestres qui se fait rare.

Face à l’immensité de l’espace, on se sent si petit. Pourtant, cette petitesse n’est pas écrasante ; elle est libératrice. L’univers s’étend à l’infini dans toutes les directions, parsemé de points lumineux qui semblent nous chuchoter les secrets de l’éternité. Ce silence absolu, unique à l’espace, est incomparable. Aucun vent, aucune vibration, seulement le vide qui absorbe chaque son, laissant place à une tranquillité profonde et presque sacrée.

Même moi, habitué à ces sorties, je ne peux banaliser cette sensation que je chéris à chaque fois. C’est un rappel poignant de l’étrange et belle fragilité de notre existence. Dans ces moments, flottant entre les étoiles, je ressens une connexion profonde avec l’univers, un sentiment d’appartenance à quelque chose de bien plus grand que moi. Chaque sortie est une méditation en mouvement, un instant suspendu dans le temps où l’âme trouve une rare paix.

Alors que mon corps flotte à quelques mètres de mon vaisseau, je ressens les premières gouttes d’eau sur ma visière. Un soleil inconnu brille à l’horizon, et la teinte solaire de mon casque s’active automatiquement, protégeant mes yeux de l’intense lumière.

J’active les propulseurs de ma combinaison, me réorientant légèrement vers l’antenne. Une seconde activation me pousse doucement dans la bonne direction. La radio grésille avec insistance, mais je décide de couper la communication pour me concentrer sur ma tâche, engageant ensuite une conversation avec Lucifer, mon IA.

Alors que je flotte dans le silence, une idée me traverse l’esprit.

Sheperd : « Que me conseilles-tu comme musique, Lucifer ? »

IA 7.0 Alias Lucifer : « Symphony of the Universe irait bien dans l’ambiance, Capitaine. IA terminé. »

Je ris doucement. Symphony of the Universe est une pièce de musique classique inspirée des sons de l’espace, un mélange de pulsars, de sifflements interstellaires et de mélodies orchestrales. C’est à la fois apaisant et étrangement dynamique.

Sheperd : «Rien de tel qu’un space opéra pour augmenter ma concentration, pas vrai ? Garde le vaisseau à proximité de la tour, ne le laisse pas flotter avec la pluie qui arrive.»

IA 7.0 Alias Lucifer : « Vous avez raison, Capitaine. Je suppose que flotter à la dérive n’est amusant que pour les humains. IA terminé »

Sheperd : « Seulement quand on a des propulseurs pour se remettre sur la bonne voie. Et dis-moi, Lucifer, tu as une playlist pour les réparations d’urgence dans l’espace ? »

IA 7.0 Alias Lucifer : « En effet, Capitaine. Je pourrais vous suggérer ‘Fixing the Stars’ de Vivaldi 7.0. C’est une composition spécialement créée pour les moments où l’on répare des antennes dans le vide spatial. IA terminé. »

Sheperd : « Tu fais de l’humour maintenant ? »

IA 7.0 Alias Lucifer : « Peut-être. IA terminé. »

Un sourire se dessine sur mon visage alors que j’active les propulseurs de ma combinaison. La légère propulsion me réoriente vers l’antenne. L’échange léger avec Lucifer m’aide à rester détendu, même dans une situation critique.

Sheperd : « Très bien, Lucifer. Lance Symphony of the Universe. Je vais réparer cette antenne avec style. »

IA 7.0 Alias Lucifer : « Musique lancée. Bonne réparation, Capitaine. IA terminé »

Alors que les premières notes de Symphony of the Universe commencent à résonner dans mon casque, je m’approche de l’antenne avec une détermination renouvelée. Les gouttes de pluie spatiale se posent doucement sur ma visière, et le silence de l’espace se remplit de musique, transformant cette tâche en une expérience presque sublime.

Je commence l’inventaire du matériel dont j’aurai besoin. Les câbles sont complètement démantelés, ce qui signifie que j’ai devant moi plusieurs heures de travail. Malgré cette tâche ardue , la musique emplissant toujours le silence, je me sens bien, presque serein. L’infini s’étend devant moi, et les gouttes d’eau se font plus nombreuses, impactant la coque avec une force croissante. Ce bruit me rappelle la Terre, ajoutant une touche de nostalgie agréable.

Je propulse mon corps vers le vaisseau pour récupérer mon matériel et commencer à découper les câbles défectueux. Chaque mouvement est minutieusement calculé, une compétence que j’ai perfectionnée durant mes années de service militaire. Avec une scie à fission, je commence à trancher les câbles, qui s’envolent dans le cosmos comme des serpents cherchant à fuir une fin imminente. C’est presque comme si ces câbles comprenaient l’avenir de l’Arch mieux que moi.

Malgré l’usure des câbles restants, leur découpe est ardue. Les minutes se transforment en heures. Les câbles défaits, je dois maintenant détacher les attaches fixées aux blocs moteurs à l’aide d’une pince. Le système est tellement vieux que je n’ai pas d’autre choix que d’arracher les fixations et de souder les nouvelles. Je reprends donc la scie à fission. Le métal fondant s’écoule dans l’air, formant des filaments qui viennent se poser sur ma combinaison. Le métal, chaud, refroidit rapidement sur ma combinaison. La fatigue commence à se faire sentir, et chaque instant, je risque de laisser un outil s’échapper dans l’infini. Heureusement, mon IA me rappelle à plusieurs reprises de fixer mon équipement correctement.

Lucifer m’informe que la radio crépite toujours avec force. En levant les yeux de ma tâche, je constate qu’il n’y a plus de vaisseaux à l’extérieur de l’Arch. En temps normal, il y a toujours plus d’une centaine de vaisseaux qui l’accompagnent, mais ils semblent tous être rentrés aux divers hangars, à l’exception des gros porteurs. C’est une situation rarissime. Je prends conscience qu’il y a un problème. Ma tension s’accélère, et mon cœur bat à plus de 120 battements par minute.

Alors que je réalise que je suis en alerte face à une situation dangereuse, la pluie bat avec force sur moi, rendant la visibilité compliquée. Je décide de m’activer dans mes tâches restantes. Il ne reste plus qu’à implanter les nouveaux câbles et les souder. Soudain, j’entends un impact sur mon vaisseau derrière moi.

IA 7.0 Alias Lucifer : « Alerte collision. Évacuation requise. IA terminé. »

Ce message résonne dans ma tête. Je comprends alors qu’en plus de la pluie spatiale, nous sommes en plein cœur d’un champ de météorites. Caché derrière l’antenne, j’entends les météores se fracasser autour de moi. Je vois des fragments de la taille de ma main filer dans toutes les directions, générant parfois des nuages de poussière. Mon IA ne cesse de répéter que l’évacuation est nécessaire, mais je me sens relativement en sécurité derrière l’antenne. Bien que la taille de ces météorites ne soit pas mortelle en soi, notre vaisseau est propulsé à plus de 800 km/h, et le moindre impact sur ma combinaison serait fatal. Au fond de moi, je me dis que je n’ai plus rien à perdre. Personne ne m’attend. Mourir aujourd’hui ou dans un an, quelle différence ?

Sheperd : « Augmente le volume de la musique, Lucifer. Le bruit des météorites est assourdissant. »

Lucifer : « Volume augmenté. IA terminé »

Alors que je branche le dernier câble, j’essaie de vérifier si le signal fonctionne. Sachant qu’un champ de météorites brouille souvent les communications, je n’insiste pas. Le vacarme autour de moi devient de plus en plus oppressant. Accroché à l’antenne, je commence à rassembler mes outils quand je sens le sol vibrer légèrement sous mes pieds. Ma visière s’illumine. Une explosion silencieuse se dessine à l’horizon. Un cargo a été touché, sans doute par une météorite plus grosse que la taille de ma main. La perte d’un cargo serait terrible pour l’Arch. Tandis que je le vois se désintégrer sous mes yeux, il disparaît rapidement dans le maelström de l’Arch. Des éclats de lumière se multiplient à divers points de la station. Le champ de météorites s’épaissit, et je dois être le seul humain encore à l’extérieur.

Pendant que je réfléchis à mon extraction, une météorite frappe la coque à quelques mètres de moi. L’explosion me propulse au loin avec une force inouïe, emportant moi et mon vaisseau. Mon souffle est coupé. Je sens mon cœur battre intensément sous ma combinaison. Je voltige entre les météorites et la pluie, avec une visibilité réduite. Je me remémore mes exercices militaires et reprends mon souffle tant bien que mal. Lucifer tente de me parler, mais ses mots sont inaudibles. J’active à nouveau mes propulseurs à pleine puissance pour retrouver mon équilibre. Alors que je m’aligne avec l’Arch, j’essaie de repérer mon vaisseau dont la position s’affiche sur mon casque. Ces quelques secondes dans l’espace m’ont éloigné de plus de 1000 mètres de ma position d’origine, selon les données de ma visière. Sans trop réfléchir, j’active mes propulseurs en direction de mon vaisseau.

Les météorites qui se dressent devant moi sont suffisamment grandes pour que je puisse les distinguer. J’arrive à les éviter avec difficulté. Mon souffle haletant remplace presque la musique encore audible dans mon casque. Les capteurs d’impact résonnent aussi, ajoutant à la cacophonie. Je ne sais pas si je vais pouvoir rejoindre mon vaisseau. Alors que quelques mètres seulement me séparent de lui, l’antenne, maintenant loin, est percutée. Elle se détache de l’Arch et se dirige vers moi à grande vitesse. Un des câbles s’enroule autour de ma jambe, et l’antenne m’emporte à une vitesse vertigineuse. J’essaie désespérément de m’extraire de cet engrenage, mais en vain. Je pense à activer ma balise de détresse. Emporté dans la direction opposée à l’Arch, celle-ci disparaît soudain de ma vue.

L’élan de l’antenne ralentit, et le temps semble se figer. Les météorites passent lentement près de moi. Ma vitesse est évaluée par mon moniteur à 10 km/h. Je ne distingue plus l’Arch. Je suis maintenant seul, flottant dans l’immensité silencieuse de l’espace.

Ce cosmos, qui d’ordinaire m’apaise, me terrifie maintenant. C’est ma fin. Elle n’est pas celle que j’aurais espérée, mais est-elle pour autant si horrible ? En vérité, c’est une belle mort. L’horizon spatial s’offre à moi en spectacle, et malgré la pluie et les météorites, je contemple avec émerveillement ce qui sera la dernière image que je verrai. Des planètes inconnues se dessinent majestueusement, et en arrière-plan, la Voie lactée étend son voile étoilé. Elle semble vibrer, comme une danse lumineuse, chaque étoile scintillant avec une intensité nouvelle. Les nébuleuses s’étirent en vagues de couleurs, des brumes roses et violettes se mêlant aux éclats d’azur et d’or. C’est un tableau de beauté cosmique, une œuvre d’art céleste que peu ont eu le privilège de voir de si près.

Étonnamment, à l’approche de ma fin, je me sens serein. Les secondes s’étirent en minutes, et je laisse mes pensées vagabonder dans les recoins de mon passé. Un dernier sourire de ma femme et de ma fille se dessine à travers le cosmos, un sourire si apaisant et merveilleux. Peut-être est-ce le signe d’une retrouvaille dans un monde indéniablement meilleur.

Ma réserve d’oxygène est presque infinie, témoignage de notre avancée technologique capable de comprimer l’oxygène dans une bille de 1 cm de diamètre, nous offrant de quoi respirer pendant une semaine. Je sais alors que je devrai moi-même provoquer ma mort. Cette pensée m’obsède alors que j’entends le moniteur de mon casque grésiller à nouveau.

IA 7.0 Alias Lucifer : Lucifer en approche de votre géolocalisation. IA terminé

Un mélange de soulagement et de surprise m’envahit. Prêt à affronter ma fin imminente, je réalise que ce n’est pas encore mon jour. Mon vaisseau apparaît à l’horizon, se dirigeant vers moi. Déterminé à me libérer des débris qui m’entravent, je me prépare à l’arrivée.

Sheperd : « Comment ? demandé-je à mon IA. »

IA 7.0 Alias Lucifer : « Mon IA utilise des modèles mathématiques génératifs pour synchroniser votre vaisseau et votre montre, en prenant en compte les données spatiales sans recourir aux positions satellitaires non disponibles dans l’espace. Après l’analyse probabiliste de votre projection, elle a calculé votre position exacte avec une précision de 96%. IA terminé. »

Je souris légèrement devant cette explication d’une complexité déconcertante. Même après des décennies de maîtrise des IA, elles sont capables de nous surpasser, surtout quand il s’agit de rendre les choses plus compliquées que nécessaire. À cet instant, je suis reconnaissant pour ma survie, et cela me suffit. Je me concentre sur l’opération d’attachement des restes de l’antenne à mon vaisseau. Malgré la présence rassurante de Lucifer, l’Arch s’éloigne rapidement et traverser ce champ de météorites ne sera pas une mince affaire.

Sheperd : « Peux-tu estimer la distance jusqu’à l’Arch ? Je ne le vois plus et les capteurs ne le détectent pas. Il doit être à plusieurs kilomètres de notre position. »

IA 7.0 Alias Lucifer : « Calcul en cours. Calcul terminé.

Étude de situation 1.0 en cours :

Localisation de l’Arch 1.1 : « Impossible »

Détermination du point de départ post 1.2 : « Position trouvée »

Estimation de la trajectoire de l’Arch 1.3 : « Trajectoire déterminée »

Calcul de la vitesse et détermination de la distance 1.4 : « En cours de traitement »

Résultat de l’étude préliminaire 1 « Distance de la cible comprise entre 1000 km et 3000 km »

Calcul de chance de rejoindre l’Arch – Inférieur à 10%. « Bonne chance Capitaine »

IA terminé. »

Face à ces informations qui auraient dû me plonger dans la panique, je ne peux m’empêcher de sourire intérieurement. Ironie du sort ou véritable coup de chance grâce à mon IA, je suis sur le point de le découvrir. À bord de mon vaisseau, j’active les propulseurs. Le doux ronronnement des moteurs me procure un sentiment de puissance. Les météorites sifflent et fusent autour de moi, créant un ballet de destruction dans l’espace.

J’active la caméra de collision et demande à l’IA de m’assister. Les bruits de collisions se multiplient contre la paroi du vaisseau. La vitesse augmente sans cesse. Les vibrations deviennent de plus en plus intenses. Soudain, une météorite d’une taille considérable percute violemment l’aile droite du vaisseau. Une détonation assourdissante résonne à travers la cabine, suivie par des alarmes stridentes. L’IA signale des dégâts critiques à l’aile, avec des fuites de carburant et des systèmes endommagés qui menacent de compromettre la sécurité du vaisseau.

Mon vaisseau devient un véritable bolide dans ce champ de météorites en furie. Chaque manoeuvre est une lutte désespérée pour éviter une collision certaine. Les météorites, comme des projectiles furieux, frôlent la coque du vaisseau, éclatant en éclats lumineux qui illuminent l’obscurité implacable de l’espace. La pluie spatiale, mêlée aux débris et aux impacts, crée une cacophonie assourdissante.

Je me bats contre les forces de l’univers, serrant les dents à chaque virage serré, chaque évitement de justesse. Chaque milliseconde compte, chaque décision est cruciale pour ma survie et celle de mon vaisseau. L’adrénaline coule dans mes veines, amplifiant ma concentration et ma détermination à rattraper l’Arch avant qu’il ne soit trop tard. L’aile endommagée menace de se détacher à tout moment, et je prie pour que les systèmes tiennent bon.

Malgré le chaos qui m’entoure, je garde les yeux rivés sur l’objectif : rejoindre l’Arch. Il est là, en vue, mais chaque mètre qui nous sépare semble une épreuve insurmontable. Je ne peux permettre à la peur de s’insinuer, car dans ce combat contre les éléments, la seule règle est la survie.

Dans ce chaos calculé, j’aperçois enfin distinctement l’Arch. Elle semble en réalité quasi-immobile, ou du moins à une vitesse bien moindre que celle que j’anticipais initialement.

L’Arch, un colosse spatial conçu initialement pour accueillir 500 000 âmes, s’étend désormais dans l’espace avec une population dépassant largement les 950 000. Ce vaisseau, autrefois un symbole de progrès et de sécurité, montre maintenant des signes visibles de son âge et des défis qu’il a dû affronter au fil des décennies.

Les systèmes de support de vie, initialement conçus pour une population stable, peinent maintenant à maintenir des conditions optimales. Les lumières vacillent parfois dans les secteurs les plus éloignés, rappelant la fragilité des infrastructures étirées au-delà de leurs limites prévues. Des réparations temporaires sont visibles à plusieurs endroits, des panneaux de protection métalliques couvrent des fissures dans la coque extérieure, et des traces de peinture marquent les zones où des impacts de météorites ont été réparés en urgence.

À mesure que le Lucifer s’approche de l’Arch, des signes d’activité fiévreuse sont visibles à travers les hublots du vaisseau. Des équipes techniques se déplacent rapidement d’un point à l’autre, effectuant des réparations urgentes et évaluant les dommages récents causés par les collisions avec les météorites. Des traces de ces impacts sont visibles sur la surface du vaisseau, témoignant de la dure réalité de naviguer dans un cosmos imprévisible.

Les antennes de communication et les structures externes montrent des signes évidents de dégradation, certains panneaux solaires sont partiellement déployés, et des sections entières de l’Arch semblent désertes, probablement temporairement évacuées en raison de zones compromises par les dommages extérieurs.

Malgré son état d’aménagement précaire, l’Arch reste un bastion d’espoir et de survie pour ses occupants. Les fenêtres, rares mais présentes, offrent encore des vues spectaculaires sur les étoiles lointaines et les systèmes planétaires traversés au cours de son voyage interstellaire. Les jardins hydroponiques, essentiels à la production alimentaire à bord, témoignent de la résilience de la communauté qui s’est formée à l’intérieur de ses murs métalliques.

À mesure que le Lucifer s’approche pour s’amarrer, l’immensité de l’Arch et l’incroyable diversité de sa population deviennent palpables. C’est un monde en soi, un microcosme d’humanité flottant dans le vide, naviguant à travers les défis et les dangers de l’espace infini.

Je manœuvre alors le Lucifer vers l’un des hangars de l’Arch. À travers le poste d’observation, le capitaine du hangar m’adresse un geste de la main pour indiquer que la radio est hors service, une information que j’avais déjà prévue alors que j’étais accroché à l’une des antennes du vaisseau. La porte du sas s’ouvre avec une lenteur agoniante, les impacts des météorites résonnant contre la coque dans un concert assourdissant.

La lumière intérieure du hangar éclaire mon vaisseau alors que j’entre avec précaution. La porte se referme derrière moi, enveloppant le vaisseau dans un nuage de gaz. Les niveaux de radiation étaient notoirement élevés lors de mes sorties dans l’espace lointain, et encore plus lors des pluies spatiales. Cela nécessitait un nettoyage minutieux qui pouvait prendre plusieurs minutes avant de pouvoir entrer dans le hangar en toute sécurité.

Une fois le processus terminé, j’amène soigneusement mon vaisseau à quai, l’accostant à une passerelle avec précision. À peine sorti, je me retrouve face à un technicien du dock, visiblement étonné de me voir encore debout. L’apesanteur ambiante persistait.

Sheperd : « Problèmes de gravité artificielle ? » lui lançai-je.

Tech : « Ah, vous êtes encore parmi nous, Cap’t ? Ouais, ouais, les coupleurs de gravité artificielle ont encore flambé pendant la tempête. J’espère que ça ne va pas durer encore un mois comme la dernière fois. »

Sheperd : « Tss, je ne suis plus Capitaine. Je remarque que les lumières vacillent. Vous avez fait un rapport d’état ? »

IA 7.0 Alias Lucifer : « Le sujet du grade est sensible pour le capitaine Shepard, attention à vous Technicien 1.6, nommé Ron Fig. »

Tech : « L’Arch est à l’arrêt, on n’a aucune info, si ce n’est qu’on est dans la merde. J’ai l’impression que notre dernière année risque de se raccourcir sérieusement. »

Sheperd : « J’ai ramené l’antenne 6. Bonne chance pour les réparations. Dites au patron des techs que je passerai demain pour mon solde. »

Tech : « Cap’t, si je peux me permettre, la récompense va partir dans les réparations de votre poubelle orbitale. »

IA 7.0 Alias Lucifer : « « Poubelle orbitale » n’est pas un terme approprié. IA terminé. »

Sheperd : « Bien sûr - dis-je d’un ton fatigué. Faites ce qu’il faut pour les réparations et mettez-le sur mon ardoise comme d’habitude ».

Le jeune technicien fixait Sheperd avec un mélange de surprise et de respect, comme s’il était en présence d’un être venu d’une autre galaxie. Je portais avec précaution une caisse de marchandises récupérées parmi les débris de l’antenne. Dans l’apesanteur du vaisseau, je me dirigeai péniblement vers la «Zone», épuisé par la fatigue accumulée. À travers les différents quartiers de l’Arch, je fus plongé dans un univers cyberpunk vibrant de vie et de commerce.

La «Zone» représentait le cœur battant de l’Arch, une gigantesque mégalopole spatiale où les rues scintillaient de néons clignotants, de commerces clandestins et de marchands proposant toutes sortes de marchandises inimaginables. Les niveaux inférieurs étaient saturés de monde, une mosaïque de cultures et d’ethnies venues des quatre coins de la terre, chacune contribuant à enrichir cet écosystème surpeuplé. Ici, il n’y avait plus de nationalités distinctes, de distinctions de couleur ou de genre; seule l’humanité persistait.

Les marchés noirs étaient particulièrement animés, regorgeant de technologie de pointe, d’implants cybernétiques et d’armes prohibées. Les ruelles résonnaient du marchandage incessant des habitants cherchant à survivre dans cet environnement hostile et délabré. Les arômes alléchants de cuisines exotiques se mêlaient aux vapeurs de carburant des moteurs spatiaux, créant une atmosphère enivrante et électrique.

Chaque quartier de l’Arch possédait sa propre personnalité : des secteurs résidentiels aisés où les privilégiés pouvaient mener une vie relativement confortable mais précaire, jusqu’aux bidonvilles surpeuplés où la loi du plus fort régnait en maître. Malgré ses défauts et ses fractures sociales, la cité spatiale palpitait d’une énergie indomptable, alimentée par la détermination farouche de ses habitants à survivre dans un monde où chaque jour était une lutte pour l’existence.

Nous avions enduré tant de souffrances; l’homme que j’étais sur Terre n’était plus le même ici. Plus résilient, moins matérialiste, reconnaissant simplement d’être en vie malgré tout. Bien que certains de mes défauts perduraient, comme la cupidité et l’égoïsme. J’avais toujours apprécié ma solitude; sur Terre, je rêvais de vivre loin de l’humanité avec ma famille. C’était un cruel destin que d’être parmi les rares chanceux à survivre dans cette prison infernale, si proche de mes semblables.

Dans ce décor futuriste et chaotique, je me frayais un chemin à travers les nombreux passages en pente, installés en réponse aux problèmes récurrents de gravité, contemplant une fois de plus l’incroyable diversité et la résilience des êtres humains qui peuplaient l’Arch.

Je fais halte devant le repaire tristement célèbre des quartiers de la «Zone», connu sous le nom de «Hameau», réputé pour ses pièces de contrebande de qualité. C’était un incontournable, tout comme sa propriétaire. La patronne ? Janna. Juste Janna. Une femme d’une quarantaine d’années, de ma génération. Brillante et experte dans son domaine, elle suscitait la crainte chez tous ceux qui croisaient son chemin. Pour moi, elle n’était qu’une «cliente» qui me permettait de survivre un jour de plus sans poser de questions. Dissimulée derrière ses longs cheveux noirs, elle avait su se rendre indispensable ; une ingénieure de génie sur Terre, une contrebandière de renom sur l’Arch.

Alors que je pénètre dans la boutique, un mastodonte me fouille sans ménagement. Trop fatigué pour protester, je me laisse faire, connaissant parfaitement les procédures en vigueur. Au fond de la boutique, une voix féminine rauque s’adresse à moi.

Janna : « Le Cap’t en personne dans ma boutique, trois fois cette semaine, bien trop d’honneur pour moi. »

Sheperd : « Les temps sont durs, Janna. »

Janna : « Incertain, nous avons connu pire. De l’eau ? »

Sheperd : « Seulement du conteneur 5 pour l’eau. Les pompes de recyclage des 4 premiers sont HS depuis 2 semaines d’après mon Tech de port.»

La boutique ressemblait à l’image typique d’une boutique de contrebande, remplie de matériaux en tout genre. Des gadgets high-techs aux pièces détachées rares, tout y était.

Janna : « L’information c’est le pouvoir, mais aussi la santé apparemment. » Elle sourit en me tendant un verre d’eau dans un gobelet transparent fermé par une paille. Nous avons dû nous adapter à la gravité pour stocker efficacement nos marchandises.

Malgré la teinte verte de l’eau, chaque gorgée était précieuse pour moi.

Janna : « Que m’amènes-tu aujourd’hui ? »

Je lui pousse délicatement ma boîte de marchandises. Le mastodonte qui m’avait fouillé regarde à l’intérieur.

En ouvrant la boîte, les matériaux se dispersent doucement dans le vide.

Sheperd : « C’est du matériel provenant d’une antenne. Il y en a facilement pour quelques centaines d’unités de crédit. »

Janna : « Ne me dis pas que tu étais dehors sous cette tempête ? »

Sheperd : «Tu me connais aussi bien que mon IA, on dirait. »

Janna : « Beaucoup diraient que tu as le goût du danger. Certains diraient que cela fait de toi un homme de valeur. »

Sheperd : « Comme tu le sais, l’argent me motive mais comme nous en avons déjà parlé, ma ligne de conduite m’interdit certains genres de mission. Je ne veux nuire à personne. Je préfère ignorer le monde qui m’entoure plutôt que de lui causer du tort. »

Janna : « Le Cap’t a une éthique qui lui est propre. Voir un enfant mourir de faim ne te fait rien mais frapper un homme pour qu’il me rembourse te perturbe .»

Mon regard reste figé dans le vide. Le mastodonte fait un signe de la main à Janna, qui répond aussitôt.

Janna : « Va pour 100. »

Je me lève pour récupérer mon dû, prêt à partir au plus vite. Elle me donne les 100 unités en passant une carte sur une carte magnétique que je lui tends.

« Crédit ajouté » indique ma carte.

Alors que je me tourne pour partir, Janna ajoute :

Janna : « Tu auras besoin de plus de 100 unités pour réparer ton vaisseau. »

Je soupire lourdement avant de me retourner.

Sheperd : « Le Tech Fig bosse pour toi, c’est ça ? »

Janna : « Tout le monde bosse pour tout le monde. Moi-même, je travaille pour les politiques de ce vaisseau en déroute, en plus de m’occuper des réparations des vaisseaux. »

Sheperd : « Janna au grand cœur ? »

Janna : « Je suis juste. Je mets mes compétences d’ingénieur au service du bien commun. Tu devrais en faire autant. »

Sheperd : « Bien commun, bien sûr. Tu m’excuseras, je dois aller voir le père Noël dans ton monde fabriqué de toutes pièces. »

Très peu de personnes à bord de l’Arch auraient pu riposter à Janna avec autant d’aplomb, un privilège que je pouvais m’octroyer. Mes compétences de pilote et mon penchant pour le risque mesuré faisaient de moi un atout précieux pour leurs trafics. De plus, mon expérience militaire me procurait une tranquillité d’esprit en cas de conflit. Je n’avais peur de personne, en vérité.

Janna : « J’apprécie toujours nos échanges. Ne refuse pas l’appel que tu vas recevoir, c’est tout ce qu’on m’a demandé de te dire. »

Je décidai de partir sans répondre. J’aurais pu dire que j’ai tourné les talons, mais je ne savais pas si l’expression était adaptée en apesanteur.

Je me dirigeai à travers la Zone en direction de ma chambre, rejoignant enfin ma boîte de 9 mètres carrés. C’était presque un luxe, c’est bien ce qu’ils appelaient ironiquement «résidences de luxe». La fatigue se faisait sentir. Je mangeai un cube de ration, une nourriture standard qui comblait le vide et fournissait les besoins essentiels du corps pour survivre. Je paierais cher, comme tout le monde, pour manger quelque chose de savoureux. Un message se fait ressentir à travers les canaux de communication de l’Arch. Le son est de mauvaises qualités mais j’arrive tout de même à comprendre le message suivant se répétant :

« Résidents de l’Arch, nous subissons d’importantes avaries dans divers secteurs. L’état d’alerte dépressurisation est de 5 sur 5. Nous vous recommandons de rester à proximité d’un masque à oxygène. »

Un jour normal à bord de l’Arch me dis-je à ce moment-là avant d’allumer l’enregistreur de ma montre.

Sheperd : Jour « 3 695 » après 0 « Hour zero ». Journal de bord du Capitaine Rafaël Sheperd : « Je suis en vie ».

IA 7.0 Alias Lucifer : « Message 486 enregistrement validé. Bonne nuit Capitaine. IA terminé » 

Une larme coule le long de ma joue. Soudain, un bip retentit depuis ma montre.

IA 7.0 Alias Lucifer : « Communication en provenance du commandant de bord. Souhaitez-vous accepter la communication ? IA terminé »

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